Sorties cinéma«Placés», «Jane by Charlotte»: quels films aller voir cette semaine?
Cette semaine, vous avez le choix entre de curieux moutons, Gilles Lellouche dans un étonnant rôle de collabo, un acteur révélé par Kechiche enfin de retour, et Charlotte Gainsbourg qui filme sa mère Jane.
«Adieu Monsieur Haffmann», un salaud en or

«Le dernier métro», «Lacombe Lucien» et autre «Uranus» ou «Au bon beurre»… les salauds sous l’Occupation durant la Seconde Guerre mondiale ont inspiré des performances puissantes. Gilles Lellouche ne défaille pas en homme ordinaire qui plutôt que l’héroïsme, choisit la voie indigne à Paris en 1941. Le comédien excelle d’ailleurs ces derniers temps dans ce sombre registre si propice aux mises à plat psychologiques complexes – voir «Bac Nord» (Netflix). Pourtant, malgré de gratifiants efforts de nuance face aux impeccables Daniel Auteuil et Sara Giraudeau, il ne transcende pas cette histoire d’ouvrier chargé par son patron juif de diriger sa joaillerie.
Le commis le cache d’abord, quand se précise la menace nazie, mais cédant à la peur, goûtant aussi au prestige de sa nouvelle position sociale, finit par dénoncer son employeur. Le réalisateur Fred Cavayé, excellent quand il s’agit de déléguer l’émotion aux acteurs, adapte ici une pièce de Jean-Philippe Daguerre salué de plusieurs Molière, mais s’enlise dans son huis clos. Dans les caves sinistres des âmes perdues, «Adieu Monsieur Haffmann» piétine alors, trop empreint de déjà-vu pour renouveler sa tragique partition.
Note: **
«Lamb», un conte surréel qui séduit

Il y a une tendance, relativement récente, dans le cinéma fantastique, consistant à relier l’homme à la nature, voire au règne animal, en laissant planer l’ombre d’arcanes secrètes qui agiraient par-delà l’humain et le conditionneraient. Il y avait de ça dans le «Midsommar» d’Ari Aster, comme dans l’inquiétant «The Ritual» de David Bruckner (sur Netflix uniquement). Ces interactions entre l’humain et l’animal, voire le végétal, ne sont pas toujours expliquées ni raisonnées. C’est le cas avec «Lamb» dans lequel, malgré une explication finale dont il faudra bien se contenter, des interrogations demeurent en suspens.
L’intérêt du film réside dans ces absences, dans ces explications qui se terrent hors-champ, qui ne veulent pas calmer un inconfort réceptif dont – il faut bien l’avouer – on adore l’effet. Valdimar Jóhannsson, évoquant la Loi du Talion dans une intrigue plus aride que spectaculaire (et c’est là qu’on sent l’influence de Béla Tarr), tient à conserver la main sur le spectateur. Dans l’exercice de manipulation, il convainc. Dans la construction d’atmosphère également. Ce coup d’essai est encourageant. On a hâte de savoir si la suite de sa carrière va ou non transformer cet essai.
Note: ***
«Placés», une parenthèse de bonheur

Les films sur des éducateurs sociaux confrontés à des problèmes et des individus qu’ils ne parviennent pas à gérer, il y en a eu passablement ces dernières années. «Placés» présente un intérêt particulier. D’abord parce que ce nouvel éducateur embarqué dans ce job a accepté celui-ci parce qu’il a échoué à Sciences Po, suite à un bête oubli de carte d’identité. Ensuite parce que c’est l’occasion inespérée de retrouver dans ce rôle-clé Shaïn Boumedine, qui était génial dans «Mektoub my love – canto uno» d’Abdellatif Kechiche. Et enfin parce que le film parvient à déjouer tous les clichés et tous les a priori qu’on pourrait avoir avec ce type de scénarios.
Réalisé et scénarisé par Nessim Chikhaoui, sur lequel on pouvait avoir des doutes au su de son travail de scénariste sur plusieurs volets des «Tuches», ce premier film est généreux, sensible, drôle et formidablement bien écrit. La galerie de personnages qu’il crée est diablement attachant. Tout cela provient sans doute du fait qu’il a été lui-même éducateur en foyer. Chaudement recommandé.
Note: ***
«Jane by Charlotte», de l’entre-soi assumé

En 1986, Serge Gainsbourg filmait Charlotte. Le film, déclaration d’amour à la limite de l’ambiguïté, s’appelait «Charlotte for Ever». En 2007, Jane Birkin mettait en fiction son existence de mère qui a eu trois filles avec des pères différents. Le film s’appelait «Boxes». Aujourd’hui, c’est Charlotte qui filme sa mère dans «Jane par Charlotte», titre renvoyant au portrait d’Agnès Varda, «Jane B. par Agnès V.». La boucle semble définitivement bouclée. Le travail de mémoire accompli.
Mère et fille se rapprochent, revisitent souvenirs, lieux (belle séquence dans le mythique appartement de Serge), vies. C’est de l’entre-soi assumé, une sorte de confinement familial autorisé, sans regard sur l’activité artistique de Jane. Un résultat ni indispensable, ni ennuyeux. Juste un peu facile, filandreux, trop exclusif. Désolé de rester indifférent à ce qui est évoqué ici.
Note: **
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