Au cours de la dernière semaine d’avril, on a pu entendre, sur les ondes de «Forum», deux conseillers aux États, Charles Juillard (Le Centre, JU) et Carlo Sommaruga (PS, GE) plaider pour des écarts à la loi. Pour le premier, il s’agissait de livrer des munitions à l’Allemagne afin de lui permettre d’armer les chars destinés à l’Ukraine, en dérogation à la législation sur l’exportation de matériel de guerre. Pour le second, il s’agissait de déroger au secret professionnel des avocats lorsque ceux-ci défendent des clients russes, un secret pourtant solidement ancré dans toutes les démocraties du monde.
Dans les deux cas, le discours était le même: «Certes, mais il s’agit de défendre des valeurs, la liberté et la démocratie, menacées en Ukraine par le pouvoir russe.»
La démocratie est un bien fragile. Alain Chouraqui, fondateur du site mémoriel de la Seconde Guerre mondiale, le rappelle dans son ouvrage «Le vertige identitaire» (Actes Sud, 2022). Parmi les déviances qui conduisent rapidement de la démocratie au totalitarisme, il mentionne le mépris des institutions!
«Les lois protègent les individus de l’arbitraire d’un pouvoir totalitaire.»
Le mépris des institutions: c’est exactement ce que se permettent nos deux parlementaires fédéraux, et cela – et c’est un comble! – au nom de la défense de la démocratie…
Gravée dans le marbre du Palais fédéral, on peut lire cette devise: «In legibus salus civitatis posita est» (le salut du pays repose sur la loi). En français, l’hymne vaudois chante «l’amour des lois», rappelant que les lois protègent les individus de l’arbitraire d’un pouvoir totalitaire. À la condition bien sûr que la loi soit établie démocratiquement, par un parlement élu, et non pas par un autocrate, russe ou autre.
Louis Guisan, qui fut mon maître en politique, donnait ce conseil: lorsque vous vous rendez à une assemblée qui pourrait être chahutée, munissez-vous des statuts. La «loi», en quelque sorte, qui protège l’institution des coups de théâtre ou de la manipulation de quelques participants.
Fragile démocratie
Les grévistes du climat et autres zadistes nous ont fait entrer dans cette confusion. Il y aurait des idées justes qui autoriseraient à transgresser les lois. Visiblement, Charles Juillard et Carlo Sommaruga leur emboîtent le pas. Jusqu’où? Répétons que la démocratie est un bien fragile, et qu’elle ne s’accommode pas de ces marques de mépris à son égard.
Si la loi est mauvaise, on la change: le Covid nous a montré que cela pouvait aller très vite. En matière de protection du climat, il faudrait parfois simplement que l’administration soit un peu plus réactive: la loi change plus vite que les routines administratives. Nous sommes en situation de crise? C’est précisément en vue des situations de crise et de conflits qu’on a rédigé des lois.
Alors, Vaudoises et Vaudois: continuons à exiger «que dans ces lieux» règne l’attachement aux lois, qui sont la condition nécessaire à la liberté et à la paix.
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L’invité – Plaidoyer pour que «l’amour des lois» règne en ces lieux
Jacques-André Haury souligne que si une loi est mauvaise, il faut la changer, pas la transgresser.