Pour les influenceurs qui vendent du luxe sur Instagram, «la pub est morte»
Réunis par l'école CREA, les prophètes du marketing restent flous sur les gains générés par ce buzz en ligne.

Dans une salle comble et surchauffée, trois cents personnes – certaines sur des chaises pliantes dans le couloir – boivent les paroles des nouveaux prophètes du marketing au sein de l'institut CREA. «Aujourd'hui, une marque de luxe pense son dispositif marketing à partir d'Instagram», explique, en marge de la table ronde organisée mardi, Sébastien Girard, fondateur du site Icon-Icon et auteur d'un guide de «l'Instagramming*».
«Partez du principe que la pub traditionnelle est morte»
Cette affluence reflète le flou qui continue d'entourer le phénomène des «influenceurs», ces jeunes photographes ou vidéastes amateurs payés pour mettre leur vie quotidienne en scène, en utilisant les produits de marques. Qu'ils se nomment Dear Caroline, Le Grand JD, Adèle, Anil B ou Jhon Rachid, leur valeur se mesure au nombre de «likes» émis par leurs aficionados – leurs «followers». «On a assisté à un basculement, ce sont presque les marques qui se glorifient de travailler avec des gens qui ont un tel impact sur les réseaux sociaux», prévient ainsi Anil B, qui gagne sa vie en filmant ses voyages sur YouTube.

«Partez du principe que la pub traditionnelle est morte; personne ici n'achète un produit après l'avoir vu dans un magazine – et même sur Internet, de plus en plus de monde installe des bloqueurs de pub», lance, à une audience conquise, Marina Wollheim Araoz, directrice chez Propaganda GEM. Cette société de Los Angeles se charge de faire apparaître les marques dans les films, ou aux mains de vedettes. «Très lent à comprendre que son audience avait migré sur Twitter, WeChat ou Instagram», le luxe s'échine toujours à créer une «connexion émotionnelle», afin de «construire une image pérenne», explique l'oratrice.
Qu'en pense Pauline Blanck, directrice de la communication digitale chez Chopard? «Nous travaillons avec environ 150 influenceurs; pour un lancement de produit dans un pays par exemple, nous ferons d'abord appel à une dizaine de micro-influenceurs dont l'audience moindre (ndlr: 50'000 fidèles au plus) reste néanmoins beaucoup proche d'eux», décrit cette dernière.
«le transfert massif de revenus publicitaires vers le Web ne se fait pas aussi facilement»
Le Graal reste de cultiver une audience «qualifiée», passant à l'acte d'achat en plus grandes proportions. Car derrière les changements d'habitudes, les détails financiers restent flous. «Les marques cherchent à faire du buzz, de l'instantané. Mais avec les plates-formes qui permettent d'acheter des likes, est-ce que tout n'est pas déjà pipé?» interpelle Eléonor Picciotto, fondatrice du magazine digital «The Eye of Jewelry». Aux yeux de Bertrand Saillen, directeur artistique du salon Le Royaume du Web, «il y a encore un manque de maturité dans cet écosystème qui se focalise sur le nombre de «followers» sans maîtriser les outils qui mesurent le retour sur investissement». Même le canal de diffusion reste mouvant. Dans la salle, ceux qui osent encore se réclamer de Facebook sont rares. Et même Instagram est critiqué pour les changements dans ses algorithmes qui font que «la pub ne se voit plus».
La pub? Mais on la croyait morte. Spécialiste du secteur des médias à l'Université de Genève, Philippe Amez-Droz avertit que «le transfert massif de revenus publicitaires du papier vers le Web ne se fait pas aussi facilement». Contacté au lendemain de la conférence au CREA, ce dernier rappelle «la perte d'attention énorme sur le Web» qui remonte des dernières études américaines.
* «Instagramming - l'art de développer une marque de luxe sur Instagram», Sébastien Girard, Meltem Editions, 222 p.
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