«Quelle est cette préparation à la vie qui commence par nous soustraire à l’influence de la vie?» s’interrogeait Denis de Rougemont à propos de l’école, il y a un siècle déjà.
Dans «Surveiller et punir», Michel Foucault nous rappelait les similarités panoptiques qui réunissent architectures scolaire, pénitentiaire et hospitalière (asiles psychiatriques); l’enjeu est à chaque fois de discipliner aussi bien les corps que les esprits.
Aujourd’hui, alors que l’on vit de moins en moins dans le monde et de plus en plus dans ses représentations, l’école, parmi tous les outils de médiation à sa disposition, recourt toujours davantage à l’écran plat. Ce dernier a pourtant de vraies répercussions sur notre manière d’appréhender le monde: il nous maintient dans l’illusion que voir, c’est comprendre. À ce titre, les réponses scolaires aux crises provoquées par le Covid restent malheureusement avant tout cantonnées au numérique – lequel, pourtant, concourt à l’accélération du monde et, par conséquent, aux causes des crises systémiques que nous vivons.
«L’enseignement doit être pensé pour donner du sens aux apprentissages en les fixant dans une réalité sociale vécue.»
Et si une des pistes à explorer pour l’école en temps de Covid – mais aussi de manière générale pour redynamiser les apprentissages – était l’école à ciel ouvert? De fait, l’enseignement ne doit pas être réduit à son utilité purement scolaire mais, au contraire, pensé pour donner du sens aux apprentissages en les fixant dans une réalité sociale vécue. Les signifiants travaillés en classe doivent pouvoir s’ancrer dans des signifiés réellement vécus dans la cité ou dans la nature environnante: la mémorisation et les apprentissages s’en trouvent ainsi renforcés.
Plus que jamais, il nous faut donc entrer en dehors. Pour effectuer cette révolution copernicienne, il est nécessaire d’outiller pédagogiquement les enseignant.e.s. Par bonheur, un nouveau centre de compétences en outdoor education a vu le jour à la HEP Vaud; la qualité de ses travaux suscite d’ailleurs de grands espoirs.
Problème financier
Dans le cadre de journées de formation organisées par ce centre, le directeur d’une école de la région témoignait toutefois de l’impossibilité de financer des projets hors les murs plus d’une fois par année… et encore, uniquement pour quelques classes. Il se réjouissait d’ailleurs que ses enfants, eux, soient scolarisés dans une commune qui leur permette de vivre une diversité d’activités hors les murs.
Ainsi, nous butons encore sur un problème de financement de ce type de démarches. Sur le papier, tous les projets pédagogiques sont du ressort d’un financement cantonal; dans la réalité, le Canton n’attribue presque aucun budget aux projets pédagogiques des établissements. Les frais engendrés par l’école hors les murs, tout comme par les camps et les courses d’écoles, sont financés uniquement au bon vouloir des Communes. À quand une vraie cantonalisation de l’enveloppe pédagogique des écoles vaudoises qui limiterait les inégalités territoriales?
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L’invité – Pour une éducation hors les murs de l’école
Philippe Somsky souhaite des cours à ciel ouvert.