L’extrême droite croît en Europe, miroir des inégalités abyssales et du mépris. À la tête du gouvernement italien, Giorgia Meloni agite la haine des migrants. Le discours de la «grande invasion» par des hordes de pauvres côtoie l’argument de «l’appel d’air» des secours en mer. Faut-il consentir à ces vieux mensonges qui jouent sur les peurs?
Les chiffres parlent: entre février 2016 et mars 2021, les navires Aquarius et Ocean Viking ont secouru 33’000 personnes, dont 5000 femmes. Alors quoi? Un «appel d’air» pour un continent de 500 millions d’habitants? Fallait-il laisser mourir ces personnes en recherche de protection? Comment ose-t-on un tel cynisme?
«L’urgence est d’incarner une autre Europe, celle des droits, de l’hospitalité, de la collaboration réciproque, de la solidarité.»
Les personnes réfugiées subissent le durcissement des politiques menées par les gouvernements. La violence aux frontières extérieures de l’Union européenne a déjà entraîné des dizaines de milliers de morts. Cette violence ne s’attaque pas aux causes d’exil: elle favorise le pillage, les passeurs et de nouveaux itinéraires d’exil de plus en plus dangereux. Elle sape l’État de droit et les droits humains.
La situation chez nous n’est pas plus brillante. On retourne des milliers de personnes à d’autres pays en application du régime de Dublin. Les renvois forcés conduisent au suicide des jeunes, comme survenu récemment à Genève. Les associations de soutien dénoncent les mauvais traitements aux frontières et dans les centres fédéraux d’asile. Qui a le courage d’aider des personnes en danger est condamné pour délit de solidarité. Des agents de sécurité du centre de Chevrilles (FR) sont en procès pour violences sur des résidents.
Il faut refuser les politiques de haine qui poussent à la guerre. Et s’attaquer aux vrais problèmes de précarisation et de destruction, dont le climat. Face aux États autoritaires, aux budgets militaires qui explosent, aux milliards issus du pillage planqués dans les banques suisses, l’urgence est d’incarner une autre Europe, celle des droits, de l’hospitalité, de la collaboration réciproque, de la solidarité. Résister contre l’extrême violence, prendre au sérieux les limites de la planète, promouvoir une vision ouverte de la démocratie pour toutes et tous. Les générations futures nous remercieront.
Mémoire et sens social
La solidarité envers les personnes fuyant la guerre en Ukraine montre que c’est possible. Les Suisses solidaires ont de la mémoire, du sens social, une capacité d’action et d’entraide directes. Élargissons cette hospitalité aux personnes qui fuient les tyrannies en Syrie, en Afghanistan, etc.
Violence, discrimination et arbitraire ne forment pas une politique positive et réaliste. L’Europe s’est construite avec les migrations. La Suisse respire avec quatre cultures. Les droits fondamentaux inventés après les guerres mondiales, accessibles sans distinction à toutes les personnes d’ici et d’ailleurs, sont le pilier des habitants de la Suisse et de l’Europe qui ont les yeux ouverts sur le futur.
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L’invité – Pour une Suisse qui respire, contre les discours noyades
Christophe Tafelmacher préfère la générosité au cynisme et souhaite une vision ouverte de la démocratie pour toutes et tous.