Pourquoi le boucher du Simplon a subitement fermé boutique
Sur les ardoises de la vitrine de Rémy Hirschi, les mots «fermeture définive» ont remplacé les alléchantes spécialités artisanales.

«Ca fait 30 ans que je bosse à 200%, alors je crois que j'ai donné!» Rémy Hirschi (54 ans) a mis une année à accepter l'évidence. «Dans ma boucherie artisanale, je ne gagne pas assez pour payer du personnel, et pourtant il y a trop de travail pour assurer seul. Impossible de répercuter les frais fixes et les heures de boulot sur les prix, sinon ils atteindraient des sommets. Là, physiquement, je ne peux plus. J'ai perdu le sommeil, l'appétit et 15 kilos en une année. Alors j'ai assuré les commandes de mes clients à Noël et le 14 janvier j'ai fermé boutique. Je prends longtemps à me décider, mais ensuite j'agis vite!»
Ne pas craquer devant les fidèles clients
Discrètement, il glisse un flyer dans les sachets des plus fidèles, les avertissant de sa décision. «Une idée que j'ai dû avoir vers 2h du matin lors d'une insomnie. Je ne me voyais pas leur expliquer en face, je ne voulais pas craquer devant eux. Parce que j'ai pété les plombs pour de bon. La pompe ne suit plus, il n'y a que la passion du métier et des gens qui me faisait avancer. J'ai attendu le dernier moment avant d'écrire «Fermeture définitive» et «Merci de votre fidélité» sur mes ardoises... Moralement, c'est dur. Aujourd'hui je dois penser à moi, à me reposer, à me soigner.»
S'il accepte de se livrer, ce n'est vraiment pas pour qu'on le plaigne. C'est juste pour expliquer le pourquoi, pour répondre à ces gens qui ne comprennent pas de se retrouver devant une porte close alors qu'ils venaient chercher ses savoureuses saucisses aux choux faites maison. D'ailleurs, le temps de l'interview, pas moins de trois passants sont venus s'enquérir auprès du patron du café voisin de la raison de la fermeture subite de la boucherie.
La file le samedi
«Les gens ne comprennent pas qu'il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton pour que la marchandise tombe du ciel. Ils viennent le samedi matin, doivent parfois faire la file, alors ils sont persuadés que ça cartonne, reprend le Jurassien, aujourd'hui apaisé. Mais le samedi, je fais parfois ma journée en deux heures. Pendant les Fêtes, je n'arrive presque plus à suivre, mais le reste du temps, c'est très dur de tourner, surtout si on est exigeant au niveau de la qualité. 2016 a été ma pire année, mais cela fait déjà longtemps que les affaires ne sont plus ce qu'elles étaient. Pas un mois ne passe sans qu'au moins une boucherie artisanale ne mette la clé sous le paillasson en Suisse. Alors mes anciens clients, je les envoie chez mes confrères de l'avenue de Cour ou de Georgette.»
La faute à la montée du véganisme? Aux vidéos choc de maltraitance dans les abattoirs qui circulent sur le net? Pas du tout, la faute, selon Rémy Hirschi à la multiplication des grandes surfaces et à la mobilité. «Aujourd'hui, même au centre ville il y a une forte concentration de grandes surfaces. Et en quarante minute de voiture on est de l'autre côté de la frontière. Dur de régater, même si nos produits sont meilleurs et parfois même moins chers que dans la grande distribution.»
Limiter la concurrence?
«J'ai une idée comme ça, même si je ne sais pas si c'est vraiment la solution, tente le passionné qui, malgré des comptes serrés, a toujours transmis son savoir à des apprentis. On pourrait instaurer une clause du besoin comme c'était le cas avec les bistrots dans le canton de Berne. On limite leur nombre par rapport à la population. Comme ça, il y aurait du boulot pour tout le monde!»
Du boulot, Rémy Hirschi va bientôt se remettre à en chercher. «Oui, je pense que je pourrais bosser pour un patron. enfin, s'il me laisse un peu d'indépendance! (éclat de rire) La boucherie, j'adore ça, je ne sais faire que ça.» En attendant, il panse ses plaies et s'oxygène avec ses chevaux, son autre passion. L'attachement de ses clients l'aide aussi à remonter la pente. «J'ai reçu un soutien incroyable! Des petits mots, des cadeaux, qui me touchent énormément. L'autre jour, une dame m'a arrêté dans la gare en me demandant si elle pouvait me serrer dans ses bras! Je n'ai jamais autant reçu de bises. Peut-être que je devrais arrêter plus souvent?»
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