
Les journalistes sont-ils coupables de connivence avec le pouvoir? «Blick», sa direction, sa rédaction en chef ont-ils joué avec le feu en s’échangeant des faveurs avec la garde rapprochée d’Alain Berset sur fond de crise Covid? Le public pourra difficilement se contenter des simples déclarations du tabloïd zurichois et de son éditeur sur ce dossier. Si «Blick» est droit dans ses bottes, il n’a rien à craindre des enquêtes des pouvoirs judiciaires et parlementaires. Voire du travail de ses confrères.

Pour trier le bon grain de l’ivresse du scoop, rappelons une chose essentielle. La «fuite» fait partie du «jeu». Sans elle, souvent, pas d’enquête, donc pas de contre-pouvoir. C’est ce qu’on en fait et en quoi elle est nécessaire qui doit s’avérer déterminant au moment de choisir si on l’utilise ou pas. L’intérêt public est-il prépondérant? Est-il supérieur à l’agenda caché de l’auteur de ladite indiscrétion? La source doit-elle être protégée par l’anonymat? La zone est parfois grise.
Les «gorges profondes» sont à l’origine de certaines des plus grandes enquêtes qui ont marqué l’histoire de l’investigation. Le Watergate, pour ne citer que lui, n’aurait jamais existé sans ce qu’on appelle un lanceur d’alerte. Sans Mark Felt, désormais «outé», Richard Nixon serait resté au pouvoir et personne n’aurait jamais su que le président républicain avait mis en place un système d’écoutes illégales à la Maison-Blanche. Fondamentalement antidémocratique.
«Nous devons apprendre à mieux désacraliser notre profession.»
Peter Lauener n’est pas Mark Felt et «Blick» n’est pas le «Washington Post» de 1974. Ce qui secoue la maison boulevardière et le CEO de Ringier, Marc Walder, présumés eux aussi innocents, est aussi d’une autre nature. Elle touche à l’étanchéité entre le CEO de l’éditeur berlino-zurichois et la rédaction de son tabloïd. Dont il faut rappeler qu’elle se doit d’être totale.
Si nous, journalistes, brandissons l’indépendance comme le graal de notre crédibilité, nous devons apprendre à mieux désacraliser notre profession, à la rendre plus limpide, plus accessible. Sans tomber dans la facilité. Dans un monde où même les médias demandent plus de transparence aux institutions, nous devons mieux expliquer comment nous travaillons. C’est peut-être une des leçons de cette polémique.
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Éditorial CoronaLeaks – Quand «Blick» regarde Berset et inversement