
Au Qatar, où les langues ne se délient pas volontiers sur tous les thèmes, il est rigoureusement interdit de se rouler un patin en public. Griffer la glace dans le désert est en revanche tout à fait licite et de cela, on ose parler sans vergogne.
Car oui, il existe bel et bien une patinoire à Doha. Pour la voir et donc le croire, il faut mettre le cap sur le Villaggio Mall, dans l’ouest de la capitale, aux portes de la Zone Aspire, complexe sportif ultramoderne de 250 hectares où l’on a aussi procédé à l’érection, pardon, la construction de la plus haute tour de la ville.
Le Villaggio Mall, comme son nom l’indique, est un centre commercial de style néocalifornien mitonné à la sauce vénitienne. À part la glace, tout est en toc et personne ne tique, manifestement. Sous une voûte céleste plutôt fidèle à la réalité, même si le Michelangelo du pauvre y a peint davantage de nuages qu’il n’y en aura jamais au-dessus de la tête des Qatariens, on peut déambuler – ou buller tout court – le long de façades à l’italienne.
On y a fait un petit crochet, quitte à essuyer un gros uppercut avant l’Allemagne - Japon de mercredi après-midi. Cent cinquante mètres de canaux accueillent quelques gondoles qui passent sous les ponts – soupirs. Une fois à quai, pour filer d’une boutique à l’autre ou faire un saut au parc d’attractions, on peut monter dans le petit train; ou lui préférer un bus à impériale modèle réduit. Car London is calling, aussi, avec ses si pittoresques cabines téléphoniques.

On a vu le cheval d’Alexandre le Grand, alias Bucéphale, des cerisiers nippons en fleur toute l’année, de lumineux réverberbères et une terrasse parisienne où ne manquaient que l’andouillette-frites et le bagout du garçon. «Vous voulez vous installer dehors ou dedans?» a-t-il demandé sans rire à l’heure du petit noir.
On trouve de tout, au Villaggio Mall. La Suisse et ses fleurons horlogers y possèdent un havre. Disons-le sans quartier: par le hublot (sponsor officiel de ce Mondial), on voit un monde qui chavire. Le moins rassurant, dans tout ça, c’est que les gens ont l’air d’aimer. Avant de choper une crève climatisée, on a filé, avec de folles images plein la tête et le sentiment que l’humanité n’était pas forcément en train de se ressaisir. À propos de glace dans le désert, on pourrait quand même se regarder dedans, un jour.
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Mirages – Chronique du Qatar – Quand ça patine dans le désert
Aujourd’hui, on vous offre une visite atterrante dans un haut lieu de la civilisation.