«L’apprentissage, c’est la voie royale.» Voilà l’un des credo de la politique suisse de la formation. En effet, l’apprentissage permet d’accéder à d’innombrables métiers fascinants et très importants. Mais les problèmes se posent dès que l’on regarde les salaires, qui ont reculé ces dernières années.
En valeur réelle, les salaires des professionnels titulaires d’un diplôme d’apprentissage ont baissé entre 2016 et 2020. À l’inverse de ce qui s’est passé chez les personnes ayant un titre universitaire, dont la rémunération a augmenté au cours de la même période. Et pourtant, c’est justement pour les gens qui sont passés par un apprentissage qu’il y aurait bien besoin d’une tendance à la hausse!
«Il s’agit souvent de professions exigeantes impliquant de grandes responsabilités.»
Car après une formation professionnelle initiale, les salaires sont encore souvent beaucoup trop bas. Un quart des salarié-e-s ayant un CFC en poche gagne moins de 5000 francs par mois (à plein temps, versé douze fois), malgré une formation qui dure trois ans. Et la liste des métiers concernés est longue. Il s’agit souvent de professions exigeantes impliquant de grandes responsabilités, parmi lesquelles: les assistantes socio-éducatives qui travaillent dans les crèches et s’occupent de ce qui est le plus important pour les familles et pour la société, les enfants. Ou les assistantes en pharmacie qui conseillent des personnes malades et vendent des médicaments. Ou encore les boulangers-pâtissiers qui, en pleine nuit, fabriquent le pain que nous mangeons. Et ce sont d’ailleurs en grande majorité des femmes qui gagnent ainsi moins de 5000 francs, même avec un apprentissage en poche.
Pénurie de main-d’œuvre
Avec la hausse des coûts de l’énergie, des loyers ou des primes maladie, joindre les deux bouts avec un tel salaire devient difficile. La haute valeur accordée à l’apprentissage en Suisse reposait sur l’idée qu’une fois formé-e et employé-e, on pouvait faire vivre une famille avec son salaire. Ce n’est aujourd’hui pratiquement plus possible. En conséquence, beaucoup de gens quittent le métier qu’ils ont appris. Et les employeurs se plaignent du manque de main-d’œuvre qualifiée. Les crèches et les boulangeries, pour ne citer que ces deux exemples, ont aujourd’hui nettement plus de difficultés à recruter des employé-e-s qualifié-e-s en nombre suffisant.
C’est pourquoi l’Union syndicale suisse estime que les travailleuses et travailleurs titulaires d’un apprentissage devraient gagner au moins 5000 francs par mois. Cette revendication doit être mise en œuvre dans les conventions collectives de travail, ainsi que dans le secteur public. Il faut oser poser la question du niveau de salaire que la formation professionnelle permet d’atteindre, et pousser les employeurs à l’augmenter là où il est insuffisant. Pour que cela vaille aussi la peine financièrement de faire un apprentissage. Et pour revaloriser, au passage, de très nombreux métiers employant une majorité de femmes.
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L’invité – Quand l’apprentissage ne paie plus
Daniel Lampert et l’USS plaident pour un salaire minimal de 5000 francs pour les titulaires d’un CFC, afin de revaloriser des professions exigeantes.