Pandémie de coronavirusQuand le Covid fait «vieillir» le cerveau
Une étude britannique a montré qu’une infection peut entraîner une perte de matière grise. On ne sait pas si ces lésions sont irréversibles.

Le SARS-CoV-2, le virus à l’origine du Covid-19, n’a pas encore dévoilé tous ses mystères. On savait qu’il pouvait notamment entraîner des atteintes respiratoires et cardiovasculaires ainsi que l’anosmie (perte de l’odorat).
De plus en plus d’études sont venues ajouter des symptômes à la liste des troubles neurologiques et neuropsychologiques. La dernière en date établit même clairement qu’une infection au Covid-19 peut causer des dommages au cerveau et équivaloir, pour cet organe, à une année de vieillissement…
Biais lié à l’âge?
Dans cette étude britannique, parue dans la revue «Nature» en mars, les chercheurs ont comparé les imageries cérébrales (IRM) d’une cohorte de 785 personnes âgées de 51 à 81 ans, atteintes ou non par le Covid – 401 personnes ont été testées positives au Covid-19. Ils ont étudié les IRM prises il y a plusieurs années avec une nouvelle série d’imageries.
Résultat: par rapport au groupe de contrôle regroupant des sujets n’ayant jamais contracté le Covid, ceux qui ont été infectés ont perdu de 0,2 à 2% de tissus cérébraux, notamment dans les régions liées à l’odorat et à la mémoire. L’être humain perdant naturellement environ 0,2% de matière grise dans ces régions en raison du vieillissement, une infection au SARS-CoV-2 équivaudrait ainsi, pour certains, à un an de vieillissement.
La grande majorité des «sujets» infectés n’ayant pas souffert de formes graves – quinze personnes ont été hospitalisées –, les résultats révèlent également que même une forme légère de la maladie peut avoir un effet sur le cerveau.
«On sait que les régions du cerveau étudiées dans cette recherche présentent une vulnérabilité liée à l’âge.»
Pour Frédéric Assal, responsable de l’Unité de neurologie générale et cognitive au Département des neurosciences cliniques des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), la grande force de cette étude réside dans le «très grand nombre» de participants ainsi que sa capacité à établir un lien de cause à effet grâce à la comparaison d’IRM avant et après l’infection.
«Il est relativement rare de bénéficier d’une telle banque de données.» Mais cet enthousiasme ne l’empêche pas de prôner une certaine prudence. Il relève notamment un possible biais lié à l’âge des participants. «On sait que les régions du cerveau étudiées dans cette recherche présentent une vulnérabilité liée à l’âge. Plusieurs autres études formulent l’hypothèse que le virus, de par la réaction inflammatoire qu’il entraîne, pourrait accélérer les processus dégénératifs comme la maladie d’Alzheimer. Il donnerait ainsi un coup d’accélérateur à une vulnérabilité sous-jacente. Il faudrait donc inclure dans l’étude britannique des sujets plus jeunes pour voir si leur cerveau est altéré de la même manière que les participants plus âgés.»
Lésions irréversibles?
D’autres questions restent en suspens. L’étude britannique ne permet pas de savoir si ces lésions sont irréversibles. «La majorité des personnes atteintes d’anosmie récupèrent avec le temps, tout comme les patients souffrant de Covid long, relève Frédéric Assal. Il faudrait analyser si les zones du cerveau atteintes se sont régénérées chez ceux qui ont récupéré.» L’étude ne permet pas non plus de déterminer quels mécanismes sont impliqués dans ces atteintes cérébrales.
C’est justement l’un des objectifs d’une autre recherche en cours, Covid-COG, conduite par les HUG avec le Pr Frédéric Assal et la Pre Julie Péron, de la Faculté de psychologie de l’Université de Genève.
«Nous avons pu confirmer qu’une infection peut entraîner des troubles cognitifs – troubles de la mémoire, de l’attention et des fonctions exécutives, comme passer d’une tâche à l’autre –, chez les formes légères comme sévères, rapportent les chercheurs. Si nous n’avons pas pu montrer d’atrophies, car nous ne possédons pas les IRM des patients avant leur infection, nous avons en revanche pu constater des modifications de certains réseaux neuronaux, ce qui pourrait expliquer pourquoi certaines zones fonctionnent moins bien.»
Enfin, l’étude britannique a été menée alors que le variant Omicron n’avait pas encore fait son apparition. Aujourd’hui, il est dominant, moins virulent, s’attaque moins aux voies respiratoires et cause moins d’anosmie. Face à ces différences, les résultats britanniques sont-ils toujours pertinents? «C’est une bonne question en effet, répond Frédéric Assal. Dans l’idéal, il faudrait mener une étude complémentaire.»
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