Quand les jeux aquatiques de Vidy faisaient fureur
Grâce à la nouvelle et fort chic plage de Lausanne-Ouchy, touristes et membres de la bonne société de la capitale passent leurs journées sur le sable.
Jusqu'à cet été-là, les Lausannois désireux de se baigner dans l'eau du Léman avaient deux établissements à leur disposition: celui de Cour, payant, édifié en 1884 par la Société de développement de Lausanne, et les bains publics, gratuits, à l'ouest du précédent.
Bien sûr, il était toujours possible de choisir un endroit en liberté, le long de la grève entre l'embouchure du Flon – aujourd'hui disparue, elle se situait à la hauteur de l'actuel port de Vidy – et celle de la Chamberonne. Mais tout cela n'avait rien à voir avec le confort, les services et attractions modernes des plages des stations balnéaires à la mode. En cet été 1927, tout change, comme l'explique la Feuille d'Avis de Lausanne du 24 juin: «Car Lausanne possède maintenant (…) sa plage, et une plage dont l'aménagement, la situation, le coup d'œil surtout, n'ont rien à envier à Trouville, Deauville ou autres «petits trous pas chers»…»
Bains de soleil en vogue
Fini la rigueur spartiate et la séparation des sexes des établissements de bains fermés! La vogue est à l'hygiénisme, aux bains et à la cure de soleil contre la tuberculose, comme le recommandent d'éminents médecins. Les touristes étrangers veulent du grand air, un panorama généreux, des cabines confortables, des chaises longues et des parasols afin de pouvoir passer la journée au bord de l'eau.
Grâce à sa Lausanne-Ouchy Plage, le Swiss Riviera Water Sports Club, créé par des hôteliers lausannois, leur fournit tout cela. Faute de plage de sable privatisable à proximité de la capitale vaudoise, il en a créé une de toutes pièces devant le stade de Vidy inauguré quatre ans plus tôt. Sur la grève caillouteuse, peu accueillante, pour laquelle la Commune a accordé une concession, explique la Feuille, «trois mille mètres cubes de sable furent versés et, aujourd'hui, ledit emplacement offre une largeur de 18 mètres, par endroits, représentant une surface d'environ 1600 mètres carrés. Trois barques de Meillerie apportèrent les matériaux nécessaires pour la construction d'une digue à l'ouest, afin de protéger la plage contre les vents.»
Premier toboggan d'eau de Suisse
Pour respecter l'esthétique de la rive, pas de construction disgracieuse, mais une quarantaine de tentes de couleurs vives. Et surtout, trônant au centre de l'arc de cercle que dessine la plage, attirant tous les regards, le water-toboggan, le premier de Suisse, d'Europe peut-être, importé d'Amérique comme il se doit, haut de 11 mètres, long de 25.
Du haut de cette construction en bois, des «luges de mer», explique la Feuille d'Avis, «sur lesquelles prennent place les baigneurs, descendent à toute allure sur une piste et arrivent avec fracas dans l'eau, sur laquelle elles font plusieurs bonds» avant de couler.
Pour les moins téméraires, le Swiss Riviera Water Sports Club a prévu le hamac aquatique, dont le passager est soutenu par trois ballons et se déplace à l'aide d'une pagaie. On se risque à pratiquer l'aquaplaning, frêle radeau tiré par un bateau à moteur et sur lequel il s'agit de se tenir debout en se cramponnant à une corde.
Nouveaux sports
On trouve également des canoës, des rames pneumatiques pour l'apprentissage de la natation en toute sécurité, en attendant le hockey sur l'eau – «un sport encore inconnu chez nous mais beaucoup pratiqué en Angleterre» – et le water-polo. Le mât flottant et les pédalos viendront plus tard.
Bien sûr, tout cela n'est pas gratuit. Président de la Société des hôteliers de Lausanne-Ouchy et promoteur de la plage, M. Häberli assure que les recettes serviront exclusivement à «couvrir les dépenses d'installation, d'entretien et l'amortissement» du capital de 30'000 francs engagé. «Pendant la semaine, Lausanne-Plage sera essentiellement visitée par les membres du club et par les étrangers. Mais, le dimanche, la population lausannoise pourra profiter, à des prix très modiques, de toutes les installations», précise la Julie.
Evolution des mœurs
Dès l'ouverture, «un public sélect s'y donna journellement rendez-vous», écrit la Tribune de Lausanne, relevant que cette «plage exquise fait la joie des étrangers et de nombreux Lausannois». Comme le montrent les photos illustrant cet article, en ces années folles les femmes s'émancipent à la plage, dévoilent des corps jusque-là cachés grâce à des maillots de bain une pièce épousant leurs courbes et se permettent toutes les audaces physiques.
Et le samedi 10 septembre 1927, par une belle journée et dans une eau à 20 °C, le Swiss Riviera Water Sports Club peut organiser le premier concours suisse de sports de plage. Les courses de canoës et de bubble-boats – les hamacs flottants évoqués plus haut – furent fort disputées. Mais la palme revint tout naturellement au championnat de toboggan. Multipliant ricochets et glissades avant de couler, pour la plus grande joie du public, les concurrents devaient aller le plus loin possible sur les eaux bleues du Léman: 20 m tout juste pour une demoiselle Grellet qui remporta le challenge féminin, et 24,5 m pour le valeureux vainqueur masculin, un certain Gross.
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