Littérature romandeQuatre vies de femmes jardinées sur un siècle
Raluca Antonescu entremêle dans «Inflorescence» quatre destins saisis à travers leur rapport à la nature. Un roman beau et foisonnant.

Inflorescence: disposition des fleurs sur la tige d’une plante, stipule le «Larousse». C’est aussi le titre du roman de Raluca Antonescu, qui inaugurera ce samedi 2 octobre le cycle de rencontres du Prix des lecteurs de la ville de Lausanne. Sur la tige du temps, de 1911 à 2009, l’auteure fait pousser quatre femmes.
Dans le Jura du début du siècle, il y a Aloïse, mise au ban par un père qui voit en elle la responsable de la mort en couches de son épouse. Elle grandit de manière fruste, suçant des plantes sauvages et chassant des animaux pour leurs peaux, jusqu’à ce qu’une amoureuse des jardins la recueille. En Seine-et-Marne en 1967, Amalia s’épanouit dans un lotissement pavillonnaire à l’américaine du dernier cri pour l’époque. En 2007, Vivian tente de faire le deuil de sa mère. Enfin, dans le même temps en Patagonie, Catherine n’en finit pas d’attendre le retour de son mari disparu depuis vingt ans.
«Malgré ses multiples ramifications, le roman reste elliptique, se concentrant comme du suc dans les rapports à la terre, aux fleurs, aux arbres.»
Dans une alternance de chapitres, la Genevoise entremêle ces destins dont on perçoit de plus en plus finement au fil des pages ce qui les lie. Malgré ses multiples ramifications, le roman reste elliptique, se concentrant comme du suc sur les rapports à la terre, aux fleurs, aux arbres, miroirs des relations aux humains: Aloïse crée des variétés d’iris en hommage aux vivants tandis que Catherine reboise des terres dévastées en souvenir de son mari. Amalia, par contre, ne se sent à l’aise que dans la domestication de son intérieur et de ses abords.
Chacune a ses ambivalences, à l’image d’Aloïse, fascinée et effrayée par ce gouffre près duquel elle a grandi, rendu plus diabolique encore après que l’armée y a déversé ses munitions, engendrant une pollution durable. En auscultant ces vies, l’auteure interroge le rapport de l’humain à la nature et au progrès, ou encore la transmission, qui ne passe pas forcément par les liens du sang.
Situations ubuesques
Et parce que la nature est bourgeonnante, le roman digresse parfois en situations ubuesques, comme cette chasse à la pie qui vire à la phobie collective dans le quartier si propret d’Amalia, ou la bataille des places dans l’open space où travaille Vivian.
Dans ce récit, la nature se faufile partout, exulte dans les jardins, palpite dans un cèdre dont le pollen recouvre un quartier entier, mais se retrouve aussi parfois dissimulée, comme les secrets. Ainsi ce gant comme soudé à la main de Vivian, que peut-il couvrir? Une horrible mutilation ou une main fragilisée mais guérie? Un roman lumineux sur la force des femmes.
Rencontre avec Raluca AntonescuLausanne Palace
Sa 2 octobre, 11 h
Entrée libre sur inscription sur :www.lausanne.ch/prixdeslecteurs
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