La lutte contre l’inflation n’est de loin pas terminée. Et selon la formule de Winston Churchill, «ce n’est pas la fin, ni même le commencement de la fin, mais peut-être la fin du commencement». Les douze prochains mois seront encore difficiles pour tous les ménages. Les banques centrales continueront de monter les taux d’intérêt, provoquant une hausse des loyers, un renchérissement du crédit pour les entreprises et un ralentissement de l’économie. Comme le dit l’économiste Samy Chaar (banque Lombard Odier), «le marathon n’est donc pas terminé mais nous sommes proches des quinze derniers kilomètres». Pourquoi, dès lors, ne pas arrêter ce marathon, relâcher la pression pour combattre une inflation qui recule? Même si le plus dur semble derrière nous, tout relâchement à quelques kilomètres de l’arrivée se paierait très cher. Si elle n’est pas stoppée, l’inflation finit toujours par appauvrir les plus faibles (la perte de pouvoir d’achat n’est jamais entièrement compensée) et décourage ceux qui pensent investir.
Globalement, les économies sont en meilleur état qu’au sortir de la crise financière de 2008. Il n’y a aucun risque d’insolvabilité des États.
Alors continuons l’effort. Mais dans quel état serons-nous? L’inflation aura probablement retrouvé un niveau acceptable, dans une fourchette de 2 à 3%; les finances publiques auront été essorées par l’accumulation des pertes fiscales, des dépenses sociales d’urgence et l’assainissement des comptes liés aux années Covid. En Suisse, par exemple, le coût des hypothèques aura doublé, le chômage un peu augmenté et le moral des entreprises sera mis à rude épreuve. Voilà pour le court terme.
Et à plus long terme? L’économie mondiale évolue dans un espace géopolitique fracturé qui n’est pas favorable à la croissance et au libre-échange (lequel fait baisser les prix). Mais globalement, les économies sont en meilleur état qu’au sortir de la crise financière de 2008. Il n’y a aucun risque d’insolvabilité des États; les banques sont solides et l’épargne des ménages est abondante. Par ailleurs, et c’est sans doute un changement majeur, les pays (États-Unis, Europe, Chine, Inde, etc.) ont compris qu’ils devaient investir massivement dans les infrastructures de demain (énergie, transport, intelligence artificielle, nouveaux matériaux, etc.) s’ils espèrent assurer les bases de leur future prospérité. Le nouveau monde fracturé est probablement plus inflationniste que les décennies précédentes mais tout indique que les taux d’intérêt (le loyer de l’argent) resteront bas. Les économistes parlent d’une ère de stagnation séculaire, due principalement au vieillissement accéléré des populations, en particulier dans les pays riches, qui se caractérise par une forte propension à épargner (les personnes plus âgées économisent davantage pour leur retraite). Dans un tel monde, le capital s’accumule mais circule peu (les inégalités augmentent).
Selon la théorie économique, la croissance, intrinsèquement plus faible, doit être stimulée par les investissements de l’État et une politique qui vise à encourager la concurrence privée et l’efficacité des politiques publiques. Dans ce nouveau monde, le taux de croissance n’est pas déterminant. On peut vivre avec une croissance faible et même avec un niveau d’endettement public très élevé. Comme l’écrit l’économiste Burkhard Varnholt (Credit Suisse): «L’exemple du Japon démontre qu’un État prospère peut allonger l’ardoise très longtemps. Depuis 1980, l’Empire du Soleil levant a laissé sa dette publique s’élever de 50 à 260% de son PIB.» Et contre toute attente, les taux d’intérêt n’ont pas augmenté! Ils sont aussi bas qu’en Suisse (peu endettée). Les dettes publiques ne sont donc pas le problème. C’est l’excès d’épargne et l’atonie des investissements qui doit nous préoccuper. L’État doit encourager l’investissement tant privé que public. Pas sûr qu’on l’ait compris en Allemagne et encore moins en Suisse.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
La chronique économique – Que faire après la crise de l’inflation?
Les pays occidentaux, y compris la Suisse, sont menacés par la stagnation séculaire. Comment doivent-ils agir?