2023 marque les 175 ans de la Constitution fédérale de 1848. Qualifiée de «radicale», elle pose les fondements de l’État fédéral et de la Suisse moderne. Ce ne fut pas sans heurts ni confusions.
En 1815, au moment de la chute de Napoléon et du traité de Vienne, la Suisse est entourée de pays conservateurs, de type monarchiste, qui la toisent d’un regard méfiant, si ce n’est condescendant, voire agressif.
«Génétiquement, la neutralité vaut surtout par la garantie et le respect qu’en font les puissances qui nous entourent.»
Inspirée du modèle constitutionnel des États-Unis, la Constitution de 1848 paraît «révolutionnaire» en Europe. État fédéral, bicamérisme, droits individuels, etc. Elle concrétise, au centre d’une Europe conservatrice, plusieurs mouvements sociaux inaboutis comme la Révolution de Paris. Elle ne définit pas clairement la notion de neutralité qui reste un but et non une fin. Les textes préparatoires indiquent que cette notion était délicate, et susceptible d’évolution selon le contexte politique international.
La neutralité de la Suisse n’avait pas empêché le passage d’armées étrangères (Napoléon, Souvorov) sur son territoire. La garantie de la neutralité suisse a surtout été imposée par les puissances européennes, lesquelles, vainqueurs ou vaincues, craignaient qu’on ne puisse profiter d’un couloir au centre de l’Europe. Génétiquement donc, la neutralité vaut surtout par la garantie et le respect qu’en font les puissances qui nous entourent et la considèrent comme telle.
C’est la Convention de La Haye de 1907 qui garantit les droits et obligations des États neutres pour la première fois. Elle fut une garantie importante lors des deux guerres mondiales du XXe siècle épargnant à notre pays les effets dévastateurs d’une guerre sur son sol – ce qui ne fut pas forcément le cas d’autres pays neutres.
L’actuelle Constitution fédérale se borne à déclarer que les autorités fédérales veillent à préserver la neutralité selon le constituant de 1999. La neutralité dépend de l’analyse du contexte international pour assurer la crédibilité de la politique de neutralité suisse et garantir l’intégrité du territoire.
Effet de cohésion
Si le concept de neutralité a une fonction externe et internationale évidente, on ne saurait oublier sa portée interne, encore plus fondamentale. Depuis les divisions du début du XIXe siècle (guerre du Sonderbund), la neutralité a surtout un effet de cohésion, évitant que les Suisses ne se déchirent entre eux (comme ils en avaient pris l’habitude) en prenant parti pour l’un ou l’autre des belligérants s’affrontant aussi sur le sol européen.
C’est ce ciment-là, plus que tout autre, qu’il s’agit de préserver. La guerre en Ukraine constitue indiscutablement une nouvelle redistribution des cartes. Dans le respect historique et évolutif de neutralité, il nous incombe de redéfinir les contours et les enjeux de cette neutralité au-delà des partis pris ou des postures de circonstance.
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L’invité – Quelle neutralité historique?
Notre concept de neutralité est actuellement fort discuté. Retour sur ses origines à l’occasion des 175 ans de la Constitution.