Sorties cinémaQuels films aller voir cette semaine?
Une semaine très francophone avec des guides inattendus. Jean Dujardin sur des chemins noirs, Cécile de France en mer, un homosexuel dans sa boutique et des amoureux en monde paysan.
«Sur les chemins noirs» La grande vadrouille de Dujardin

Carnet intime Adapté par Diastème et Denis Imbert, «Sur les chemins noirs» décale à peine le récit autobiographique de Sylvain Tesson. Soit un homme rescapé d’une chute qui, l’âme encore fracturée, réapprend à tenir debout en traversant la France à pied. «Le passé m’a trahi, le présent me tourmente, l’avenir m’épouvante» grommelle ce Pierre.
Sa solitude à peine troublée sur 1200 kilomètres lui inspire de jolis mots. Voir son évocation de Napoléon qui distinguait le monde de «ceux qui commandent, ceux qui obéissent». À l’empereur, l’écrivain suggère: «Sire, fuir c’est commander». Jean Dujardin est parfait dans le sens où l’acteur ne fait strictement rien que contempler, le front barré par une ride soucieuse. Pour paraphraser encore Tesson, ce film à défaut de «rentrer dans l’histoire, disparaît dans la géographie». C’est déjà ça. CLE
Note: **
«Le bleu du caftan» Sortir du placard de sa boutique

Tabou Au Maroc, les relations homosexuelles sont illégales. C’est pour cette raison que Halim, marié depuis des années à Mina, a appris à se taire et à vivre son homosexualité dans le secret, derrière les portes closes d’un hammam de la médina. Pour ce couple, qui tient ensemble un magasin de caftans, tout semble dès lors équilibré. Mais l’arrivée d’un jeune apprenti, Youssef, va redistribuer les cartes. Et peut-être même aider ce couple à s’affranchir du mensonge pour mieux s’épanouir.
La gravité du film de Maryam Touzani, qui se déroule presque entièrement dans un commerce de tissus, va de pair avec une pudeur qui se terre dans les non-dits et les silences ponctuant la vie des trois personnages centraux. Le caractère sombre des intérieurs – on a presque toujours l’impression d’être de nuit, ce qui est faux – contraste avec la luminosité des étoffes, éclatant dans des bleus ou des rose magnifiques. Il y a bien quelques longueurs, mais le film puise sa vérité dans son rythme. Lumineux. PGA
Note: ***
«Drii Winter»

Chef d’oeuvre C’est un village coupé du monde, au cœur des Alpes. La vie d’un couple s’y déroule dans un contexte rugueux et dans un milieu paysan où la survie n’est pas toujours garantie. Lui, Marco, est un étranger venu de la plaine et engagé par les fermiers pour y travailler la terre. Elle, Anna, est née dans ce village et a même une fille d’une relation antérieure. Tous deux se rapprochent fortement, mais le comportement de Marco crée des tensions inédites au sein de cette communauté.
Solidement mis en scène par le Lucernois Michael Koch, qui était avec ce film le candidat officiel de la Suisse aux Oscars 2023, «Drii Winter» fait par instants penser à Fredi Murer, celui de «Höhenfeuer» et «Vollmond». Ce drame est d’ailleurs rythmé, comme dans les tragédies antiques, par un chœur qui revient constamment. Le cinéaste abuse un peu du leitmotiv mais son intégration passe très bien. L’un des grands films suisses de ces dernières années. PGA
Note: ***
«La Passagère» Cécile de France en eaux troubles

Naufrage sentimental Voici le récit assez classique d’un triangle amoureux. Chiara et Antoine vivent et travaillent ensemble sur leur chalutier. Mais le jour de l’arrivée de Maxence, elle va se sentir insensiblement attirée par ce dernier. La chair est faible et on devine la suite, jusqu’à la révélation d’une vérité qui ne va plaire à personne. Ce qu’il y a d’inédit dans ce film dominé par Cécile de France et Félix Lefebvre (révélé par «Été 85» d’Ozon), c’est le contexte maritime du récit. Il apporte une rugosité inattendue, comme un antidote à une douceur qui semble exclue de cet univers.
Héloïse Pelloquet, qui était jusque-là connue pour son travail de monteuse, parvient à faire de la mer et des embruns un personnage à part entière, et pas uniquement un décor servant de catalyseur aux actions. Cécile de France est particulièrement à l’aise dans ce monde d’hommes, même si ses certitudes amoureuses vont cruellement voler en éclats lors de la dernière partie du métrage. Réalisé en 2021, «La passagère» est un film curieux mais sans folie. PGA
Note: **
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