TennisLes 21 vies de Rafael Nadal
Mené deux sets à rien par Daniil Medvedev, l’Espagnol a remporté une finale de l’Open d’Australie légendaire (5h24) pour s’emparer du record de titres en Grand Chelem.
Insubmersible Rafa! Ce 30 janvier 2022 restera le jour où Rafael Nadal s’est définitivement installé dans la légende du sport moderne. En renversant Daniil Medvedev au bout d’une finale de l’Open d’Australie sublime d’intensité, l’Espagnol s’est emparé du tant convoité 21e titre du Grand Chelem. Le voilà donc détenteur du plus beau des records, qu’il dispute toujours à Roger Federer (20) et Novak Djokovic (20). Un accomplissement arraché grâce à toutes les qualités qui ont construit sa légende: résilience, subtilité tactique et dépassement physique. Dans une Rod Laver Arena complètement acquise à sa quête, «Rafa» s’est donc offert, ce dimanche, un triomphe qui lui ressemble. Un sacre qui vient des entrailles, aussi puissant qu’un rite sacrificiel (2-6, 6-7, 6-4, 6-4, 7-5).

Mais comment Rafael Nadal a-t-il remporté cette finale? Répondre à cette question de manière exhaustive imposerait de convoquer les hoquets d’une finale aux multiples breaks et d’analyser les méandres de son inépuisable désir de vaincre. La place manquerait. Il faut donc se contenter de rappeler que l’Espagnol, transpirant à grosses gouttes, a d’abord été totalement dominé pendant un set (2-6) avant de se retrouver au bord du précipice une heure et demie plus tard (2-6, 6-7, 2-3, 0-40). La première moitié de cette finale appartenait donc presque entièrement à Daniil Medvedev, plus solide à l’échange, plus juste dans ses choix. Meilleur, tout simplement.
Rafael Nadal eut alors deux mérites qui provoquèrent un miracle. Premier mérite: l’Espagnol a cherché. Constatant qu’il était dominé dans sa filière de référence, celle du combat frontal, de la régularité et de l’usure progressive, «Rafa» est allé puiser dans toute la panoplie des variations les plus subtiles pour s’extraire du piège dans lequel il se voyait tomber. Slices long de ligne très courts pour faire avancer le Russe, festival d’amorties, un wagon de «service – volée», il étala toute la gamme de sa jouerie. Son mot d’ordre: créer pour réussir à respirer.
Medvedev agacé par le public
Le second mérite est tout aussi constitutif de sa personnalité: «Rafa» s’est accroché. Il s’est accroché à tout ce qui tenait encore. Cet infime espoir lorsqu’il fit face aux trois balles de break dans le troisième set, ce relâchement qui le gagnait avec la fatigue et puis ces signaux d’agacement envoyés subitement par le Russe. «Mets-toi à niveau: c’est une finale de Grand Chelem. Tu ne peux pas te contenter d’un simple please», dictait-il à l’arbitre, trop passif face au soutien unilatéral du public australien.
La fin du troisième set venait de faire basculer le momentum. Face au coup droit retrouvé de l’Espagnol, Daniil Medvedev pliait physiquement (il avala le désormais mythique jus de cornichons de la dernière chance) et se réfugiait dans une consommation abusive d’amorties.
La cinquième manche pouvait s’ouvrir sur ce qui ressemblait à un miracle. À 35 ans, après six mois de pause et un vilain Covid à Noël, Rafael Nadal bougeait mieux après quatre heures de jeu qu’en début de match. Le paradoxe peut intriguer. Il souligne à nouveau une faculté qui n’appartient qu’aux plus grands: être capable de se découvrir des ressources insoupçonnées lorsque la planète entière regarde. Et peu importe si Daniil Medvedev trouva encore les ressources de débreaker pour revenir à 5-5 dans la manche décisive (quel match du Russe!). Repousser encore ses limites parce qu’il y a toujours une petite place en plus, voilà ce qui caractérise le mieux la fabuleuse carrière de Rafael Nadal. Ce dimanche 30 janvier 2022, à 15h12, après une dernière volée de revers, celle-ci a écrit son plus beau chapitre. Le chapitre XXI.
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