Raoul Peck lutte avec sa caméra
Dans «I'm Not Your Negro», il évoque James Baldwin.

De passage il y a quelques jours au FIFDH, le cinéaste Raoul Peck se montre toujours aussi volubile. Il y a présenté I'm Not Your Negro, resté à l'affiche depuis la fin du festival. Ce documentaire d'archives redonne la parole à l'écrivain noir James Baldwin, qui a énormément écrit pour défendre les minorités, ethniques comme sexuelles. Rencontre avec son auteur.
Votre actualité, en ce moment, c'est la sortie du documentaire «I'm Not Your Negro». Mais dans quelques mois, votre dernière fiction, «Le jeune Karl Marx», arrivera sur les écrans. Dans quel genre vous sentez-vous le plus à l'aise?
J'ai toujours fait les deux en parallèle. Le contenu des films dicte mes choix. Pour I'm not Your Negro, mon souci, c'était les droits des textes de James Baldwin. D'accès compliqué. Ensuite, le montage a été très retors. Je n'étais jamais satisfait. Il fallait que j'arrive à un stade où je me réapproprie le projet pour en tirer un film le plus personnel possible.
Et l'accès aux archives était-il aussi difficile?
Alors non. Même si tout le monde m'avait dit que ce serait impossible, cela a été extrêmement facile. En revanche, il fallait être patient pour recueillir certains témoignages. On m'a parfois fait attendre longtemps. Certains m'ont aidé dans le projet, surtout moralement. Je pense à Russell Banks, qui est un ami. Et à la sœur de Baldwin, qui avait vu mes films et pensait que je saurais raconter son frère de manière juste. J'ai joué le rôle d'un passeur, en somme. De quelqu'un qui met sa parole en avant.
Baldwin s'est beaucoup battu pour l'intégration des noirs et des gays. Qu'avez-vous appris sur lui en faisant le film?
Qu'il forçait les gens à revoir leur vision du monde personnelle. Je cherchais une manière organique de raconter son histoire et ce livre inachevé qu'il n'a pas eu le temps de terminer. J'espère que le film en résulte. La parole de Baldwin est suprême. Elle est le sujet du film. Pour moi, on ne lit pas Baldwin, on l'étudie.
«I'm not Your Negro» est aussi un film sur le cinéma et sur la manière dont Hollywood représentait certaines minorités.
Totalement. Me procurer les extraits, en l'occurrence, n'était pas simple non plus. Exemple avec les images montrant Doris Day. Les ayants droit ne voulaient absolument pas que je les utilise. Pourtant, Baldwin cite Doris Day, je n'invente rien. Mais pour régler ce problème, j'ai dû engager un avocat durant une année. Ce qui est intéressant, c'est que ces problèmes de droit ont indirectement servi le film. Je me souviens d'un extrait avec Gary Cooper.?L'avocate me dit qu'il comporte douze secondes de trop. Ce qui bien sûr pose problème. Dans ce cas, je ne me contente pas de couper les douze secondes. Je reprends entièrement la séquence au montage. Tout cela me force à ne jamais céder à la facilité. Sur ce film, chaque image a été repensée. On a même refait des sons de Stagecoach de John Ford (ndlr: La chevauchée fantastique), dont j'utilise un extrait.
Comment avez-vous concilié le tournage du «Jeune Karl Marx», presque en même temps?
Laisser de côté le documentaire pour un petit moment, cela revient à prendre des vacances avec le projet. En plus, Baldwin et Marx ne sont pas du tout opposés. Leurs univers se rejoignent. A mon sens, Baldwin se livre à une analyse marxiste du pouvoir. Et lorsque Marx affirme que nous sommes les acteurs de notre propre histoire, il a la même vision que Baldwin.
Plusieurs films traitant de l'intégration des noirs dans l'histoire contemporaine sont sortis ces jours, comme «Hidden Figures», ou «Moonlight», qui a remporté l'Oscar. Qu'en pensez-vous?
Que nous sommes dans la prolongation d'une histoire. Avant, des cinéastes comme Hailé Gerima ou Charles Burnett traitaient ces sujets. Aujourd'hui, les majors s'en emparent. C'est une bonne chose mais je crains néanmoins pour la survie du cinéma indépendant.
«I'm Not Your Negro»Cinémas du Grütli
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