J’ai piqué la première partie du titre de mon éditorial au livre de Noëlle Revaz (2002). Que Séverine Cornamusaz avait très bien adapté dans «Cœur animal» (2009). L’histoire de Paul, paysan «fruste et violent» qui préfère les bêtes aux humains.
Avec «Faire paysan», qui vient de sortir, l’auteur morgien Blaise Hofmann raconte plutôt autre chose. Il n’élude pas la «plus grande solitude du paysan, seul dans son tracteur des heures durant à écouter la radio» mais évoque aussi cette «nouvelle génération d’agriculteurs [qui] est née avec des préoccupations écologiques, il faut leur donner les moyens de leurs ambitions et leur faire confiance.»
En Suisse, il y a deux fois moins de paysans qu’il y a cinquante ans. Selon le dictionnaire historique, le secteur occupait environ 500’000 personnes entre 1860 et 1880, 250’000 vers 1960, 125’000 vers 1980, ou 60% de la population active en 1800, 50% en 1850, 31% en 1900, 19,5% en 1950, et environ 4% en 2000. Sans que la production et l’autoapprovisionnement ne diminuent malgré la croissance démographique.
«D’ailleurs, qui pollue vraiment le plus? «ChatGPT» ou «Vache j’ai pété»?»
Bref, chiffres à l’appui, il n’est pas surprenant que deux mondes se parlent moins. L’un, ultraminoritaire, nourrit l’autre. L’autre se nourrit de lui. En silence. Mais qui est déjà allé dans une ferme pour voir comment est produit ce qu’il va manger? Je crois que je n’oublierai jamais le jour où, adolescent, j’ai raclé la beuze sous le cul des vaches avant d’aller me rouler dans la paille. Avec tous les contrastes de cette expérience.
Jeudi, on vous racontait comment certains pays veulent taxer les flatulences bovines alors que la profession ici tente au contraire de prouver que ces gaz sont moins nocifs que prévu. D’ailleurs, qui pollue vraiment le plus? «ChatGPT» ou «Vache j’ai pété»? L’intelligence artificielle qui va puiser ses ressources dans des gourmands data centers ou l’exploitation animale locale?
J’ai commencé par un conseil de cinéma, j’en termine par un autre parce qu’inscrit dans l’actualité. Celui de deux paysans autodidactes écolos fuyant le boboïsme face à de bourrus autochtones qui aimeraient s’exiler. Sur fond de subventions d’éoliennes à planter ou pas sur des terres cultivables mais qui ne rapportent plus. «As bestas» – César du meilleur film étranger 2023 – est certes une fiction, mais qui démontre que «le plus vieux métier du monde» est tellement ancré dans notre réalité.
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L’éditorial – Rapport aux bêtes… et aux paysans