De Lausanne à Crans-Montana«Rouge Nord», un road movie déluré dans un décor débraillé
Le Cirque Pardi! a envoûté Plateforme 10 le 1er août avant de grimper au festival Cirque au sommet.

Elle se hisse, délurée, sur le toit d’une vieille Mercedes déglinguée, comme échappée d’un film de Tarantino. Carola Aramburu irradie, dans la cour minérale de Plateforme 10, en héroïne barrée de «Rouge Nord», road movie sur piste orchestré par les saltimbanques du Cirque Pardi! en marge des festivités lausannoises du 1er août, en présence d’Ignazio Cassis.
Lundi soir, la troupe toulousaine n’a pu présenter – protocole oblige – qu’un digest de sa fresque cinématographique captivante. Pour voir le spectacle en entier, il faudra grimper au festival Cirque au sommet, à Crans-Montana, de jeudi à samedi.
Notre propre film
Au pied de la façade ouest du MCBA, le téléphone sonne dans une cabine flétrie. Carola entre, décroche, monologue. Une grue de chantier saisit la cabine. Tanguant dans les airs, l’héroïne murmure… «Je suis là, mais je pourrais être ailleurs.»
Dehors, le grésillement d’une guitare se fait de plus en plus entêtant. Le musicien Antoine Bocquet, debout sur sa cabane de chantier écaillée, dégoupille un son electro hypnotique sur ses claviers. Lynch n’est pas très loin…

Extraite de sa cage de verre, l’héroïne se dresse, rugissante, sur la voiture cabossée, bientôt rejointe par un homme débraillé, écorché vif en quête d’équilibre (Timothé Loustalot Gares). Le duo danse entre les vitres de la bagnole qui dérape dans un nuage de poussière. L’histoire de ce couple en errance dans un monde décati? À nous d’imaginer notre propre film.
«Ce sont deux personnages qui ont un lien très fort et qui jouent à «fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis.» Ils traversent un moment intense, comme nous en vivons tous, décrit Timothé Loustalot Gares, attrapé après la représentation. Peu à peu, les textes permettent de saisir des morceaux de leur vécu commun.»
Le couple reprend sa danse, électrisante. La musique pulse. L’antihéroïne a troqué sa robe ocre contre un tutu rouge vif. Elle grimpe sur l’enseigne vintage d’un «Café – Hôtel Saturne», s’enlace et se déroule, sensuelle, burlesque, autour des tiges de métal. «Perfectionism is violence», clame-t-elle face à la foule. Au loin, un homme vêtu de noir scande un poème sublime façon Bashung.

Soudain, le silence. Un fil se tend entre la grue et l’avant d’un camion. Perché là-haut, sans filet, Timothé Loustalot Gares s’élance sur la corde raide. Et tandis que la musique reprend, planante, l’acrobate avance vers l’immense vaisseau muséal. Grandiose apothéose.
Rencontre des arts
Ce jour de fête nationale marquait aussi l’occasion de rappeler la vocation de Plateforme 10: les arts prennent leurs aises dans le pôle culturel lausannois, pensé comme un lieu d’échanges interdisciplinaires. Le mois dernier, la façade des musées Mudac et Photo Élysée se muait en écran géant de trois projections proposées par le Festival de Locarno. Lundi, les arts circassiens ont rythmé la visite présidentielle: la compagnie My! Laika a offert une série d’impromptus, préludes festifs à la performance hardie de ses acolytes du Cirque Pardi!
Au carrefour des disciplines, le grandiose «Rouge Nord» ondoie entre arts circassiens, effets visuels, musique, théâtre et cinéma. «On a écrit cette partition collectivement et nous avons cherché à créer un lien entre le son, les effets visuels et le décor en faisant référence aux années 80. Cette période donne une texture à l’ensemble», confie Timothé Loustalot Gares. Lundi, le public de Plateforme 10 n’aura vu que des bribes de ce spectacle troublant, onirique, beau dans son étrangeté. Alors, filez à Crans-Montana!
Crans-Montana, Village du cirque
Du 4 au 6 août (20 h 45)
Tout public, gratuit
www.cirqueausommet.ch
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