Vu à Plan-les-OuatesSainte Yolande, madone des têtes de veau
En compagnie du chanteur Christian Olivier, Yolande Moreau allume Prévert, lançant un doigt d’honneur vers les cieux avant de montrer ses fesses au public. Grandiose.

On dirait du Deschiens dans les grimaces, du Têtes Raides dans la musique. On ne dira jamais assez combien Prévert a inspiré le comique acide des fameux sketchs télévisés et les paroles surréalistes du groupe de chansons.
Il est 21 heures, mercredi au Vélodrome de Plan-les-Ouates, lorsque Yolande Moreau envoie les «Écritures Saintes» du poète. Commencées sur «Dieu est un grand lapin», conclues d’un «Amen» monstrueux, la bouche tordue dans un rictus démentiel.
Scie musicale
«Ah! Séraphine!» Exclamation parmi la cohue des têtes grises venues contempler l’icône belge du cinéma. Autrement plus belle au naturel que dans les films, quand elle s’assied au bar après le spectacle. Pommettes hautes, pétillants globes oculaires, avec cette coiffure inouïe, une choucroute opulente dont on se demande comment elle tient. Admiration.
Sur scène, les choses allaient ainsi. À gauche, Christian Olivier, leader des dites Têtes Raides cultive le timbre grave du bateleur de cabaret, punk dans le fond de l’âme, qui monte la pièce en mélodie, soutenu par trois musiciens, scie musicale, guitare, accordéon, jusqu’au simili orgue de cathédrale. Excellent. À droite, Yolande Moreau. En regard d’icelle, Christian Olivier ressemble à un petit garçon tâchant de lui conter fleurette. Le contraste vaut le détour, autant que les poèmes choisis.
Robe d’opéra
Où il est question de l’indigent le nez derrière une vitrine. C’est «La grasse matinée». «Il imagine une tête de veau, une tête de n’importe quoi qui se mange.» Sainte Yolande, madone des mets inaccessibles, joue le burlesque, néanmoins dramatique, abordant Prévert comme une illettrée pour mieux souligner l’absurde et faire gicler sa matière subversive. Nous voilà tout éclaboussés.
Au maître des cieux, elle a balancé un doigt d’honneur. Au public, elle relève sa majestueuse robe d’opéra pour montrer ses fesses, en chantant «Je suis comme je suis». C’est un numéro individuel, voire sa propre caricature, qu’importe. La délicatesse gratte à la porte. Lorsque Christian Olivier chante avec elle «Les feuilles mortes», c’en est beau à pleurer.
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