La jolie méthode de lecture helvète qui séduit la France
La méthode phonique «La planète des Alphas» est largement plébiscitée en France et en Belgique.

«Nul n'est prophète en son pays», s'amuse Olivier Dubois du Nilac. Le Genevois sait de quoi il parle: la méthode d'apprentissage de la lecture que ce pédagogue passionné a mis au point avec Claude Huguenin, directrice du Centre de psychopédagogie de Genève, est quasi inconnue en Suisse. Pourtant, depuis près de vingt ans, elle a permis à plusieurs millions de jeunes français et belges de déchiffrer la langue de Molière.
Quel est son secret? Pour parvenir à lire, l'élève doit convoquer de drôles de personnages, appelés les Alphas. Dans l'histoire que les professeurs soufflent à l'oreille des enfants, une méchante sorcière veut dévorer ces petites bestioles. Pour lui échapper, les Alphas se transforment en lettres de l'alphabet. Surtout, ils possèdent d'étonnantes aptitudes: non seulement ils symbolisent le son des lettres qu'ils représentent mais ils ont tous une bonne raison d'émettre leur son. Par exemple, Monsieur O pousse sans cesse des «oooooo» admiratifs, tandis que Monsieur A adore faire des blagues et rit en faisant «Ha Ha Ha!»
Une success story romande
Nos babillants héros ont beau avoir un look sérieusement démodé, la méthode s'avère aussi ludique que radicale: en quelques jours, l'apprenti lecteur comprend que les étranges signes qui paradent sur les pages des livres sont en réalité des sons et qu'ils forment des mots lorsqu'ils sont assemblés. C'est le fameux «déclic», celui que des générations d'instituteurs et d'institutrices de primaire ont cherché à provoquer, parfois plus laborieusement que d'autres…
Chez nos voisins haut-savoyards, 450 des 500 écoles du territoire utilisent avec succès la technique phonique mise au point par Olivier Dubois du Nilac et son ex-épouse. Ce sont 20 000 établissements français et 50 000 enseignants à travers le monde qui ne jurent que par les Alphas. La méthode, reconnue par l'Unesco, bénéficie entre autres de l'aval scientifique de la Fondation Jean Piaget de l'Université de Genève. Une version germanique existe et son homologue anglophone devrait fleurir prochainement dans les cartables. Comment expliquer un tel tour de force? «Surtout grâce au bouche-à-oreille, assure le cofondateur. En France, les professeurs ont une obligation d'objectifs, mais l'Education Nationale est finalement peu regardante sur les moyens employés. En Suisse, la méthode était très utilisée, notamment dans le canton de Vaud, jusqu'en 1999, lorsque la Conférence intercantonale de l'instruction publique a décidé d'opter pour un programme commun.» Mais c'était sans compter la version moderne du bouche-à-oreille: Internet.
Peu importe aujourd'hui les directives officielles, la Toile fait office de caisse de résonance. On ne compte plus les pages qui chantent les louanges de Madame É, Monsieur Nez et ses amis. Activités pédagogiques, supports de classe et tableaux récapitulatifs à télécharger abondent. Sur les forums consacrés, des convertis jurent que «La planète des Alphas» permet de savoir lire en une semaine. Un argument qui fait mouche auprès de certains parents dépassés par les méthodes employées par les établissements scolaires.
A l'image de Carine Gomès, une Genevoise mère de trois enfants, contactée par Internet: «J'ai appris à lire avec la méthode alphabétique; pour mon fils aîné, on m'a vanté les mérites des approches dites «globale» et «semi-globale». Si j'avais entendu parler avant de cette méthode phonique, ça m'aurait évité bien des soirées de prise de tête devant les cahiers de leçons…» raconte-t-elle.
C'est une ancienne institutrice qui lui a parlé des Alphas au cours d'une soirée. «Mon mari et moi avions énormément de difficultés avec notre dernier enfant. J'ai été voir sur le Web, je me suis documentée, j'ai finalement commandé un support et commencé quelques activités avec lui. En deux semaines, ça a été la révélation. Son blocage venait du fait qu'il n'arrivait pas à comprendre que les consonnes n'existent qu'en coarticulation avec des voyelles. Les Alphas lui ont permis de passer ce cap et, depuis, il n'a plus de souci.»
Du papier aux planches
Un engouement parental qui fait grincer quelques dents du côté de Récréalire, la maison d'édition située en France voisine qui diffuse la méthode des Alphas. «Le coffret de base – composé du conte, d'un DVD, d'un poster et de figurines – est parfaitement conseillé aux familles, tient à préciser Olivier Dubois du Nilac. En revanche, la méthode scolaire – déclinée en toute une panoplie d'outils – devrait rester en mains professionnelles. Une formation pédagogique est importante pour pouvoir transmettre au mieux les bases de la lecture à un enfant, même avec les Alphas.»
En attendant, la méthode continue de faire des émules, au point de monter sur les planches. «Furiosa et la Tache d'encre infernale» est un spectacle musical de 60 minutes, largement inspiré du conte «La planète des Alphas», et produit par l'Association Le Droit de Lire – créée par les deux auteurs de la méthode. Sur scène, des Alphas grandeur nature s'agitent au rythme du scénario et poussent la chansonnette, avant de proposer un volet interactif amusant et éducatif, forcément en rapport avec le monde de l'écrit.
Pour chaque billet acheté, 1 franc sera reversé à la lutte contre l'échec scolaire et l'illettrisme. Prochaine et dernière date genevoise: mercredi 8 février. A vos claviers!
Pour en savoir plus sur la méthode «La planète des Alphas»: www.lesalphas.net
Pour en savoir plus sur le spectacle «Furiosa et la Tâche d'encre infernale»: www.ledroitdelire.net. Prochain spectacle: mercredi 8 février, salle centrale de la Madeleine, 1204 Genève, à 14 h ou 16 h 30. Prix: 18 fr. DVD interactif offert.
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