Coopérative artistiqueSCALA, un trousseau ouvrant de nouveaux ateliers d'artiste
A Lausanne, l’accès à des espaces de travail à prix abordable passera par une nouvelle structure imaginée avec le Service de la culture. Le projet devrait permettre de trouver des lieux pour un loyer de 100 fr. le mètre carré maximum.

L’impulsion vient de la Ville, l’engagement de la base, des artistes. En lançant SCALA, Société coopérative d’artistes - Lausanne et alentours, neuf plasticiens ont en tête un plan d’occupation du territoire aussi opportun que pacifique, espérant à terme disposer d’un parc d’ateliers disponibles à la location pour leurs coopérateurs. L’exemple existe ailleurs. À Genève, avec Ressources Urbaines, il a même dépassé le strict cadre logistique pour servir d’aiguillon et de carrefour artistique à la scène locale.
«Un atelier, un lieu de travail, c’est aussi un lieu où l’on peut montrer des choses»
Si les neuf Lausannois à la base de SCALA – dont, précision importante, aucun n’est à la recherche d’un atelier – cultivent cette même ambition rassembleuse, ils avancent pas à pas. Responsables! «En tant qu’artistes, dont certains actifs dans la gestion d’ateliers collectifs, nous avons l’expérience du terrain et nous avons conscience des besoins. Un lieu de travail, c’est aussi un lieu où l’on peut montrer des choses, où les idées tournent, on mesure bien l’intérêt d’une proximité physique entre créateurs qui permet d’amplifier les envies comme d’en susciter de nouvelles. Mais, poursuit Florian Javet, l’un des initiateurs, avant que ce projet ne devienne public, nous avons pris le temps d’y réfléchir afin d’accueillir les coopérateurs dans un cadre prédéfini.»
Un maximum de 100 francs au mètre carré
L’accueil est même très concret, avec une première friche qui vient d’entrer dans le trousseau de Scala. L’adresse, à Crissier, était celle des Services industriels lausannois, et la Ville la met à disposition gracieusement pour les trois prochaines années. Tout bénéf’ pour les futurs occupants – avec la possibilité de définir quatorze espaces, on parle d’une occasion pour une trentaine d’artistes qui se partageront les frais de la coopérative. La deuxième clé du trousseau ouvrira 385 m² dans les halles CFF de Sébeillon pour les huit prochaines années; cette fois c’est la Ville qui est locataire et SCALA sous-locataire. «Pour l’occupation de cet espace, tout est encore ouvert mais, imagine Florian Javet, on pourrait très bien prévoir trois grands ateliers collectifs.»
Au total, l’addition arrive à 17 ateliers, certains partagés, une offre où le mètre carré loué ne devrait pas dépasser 100 francs. Potentiellement, elle concerne une quarantaine d’artistes et double l’actuelle dotation. Sur le plan relationnel, et après les conventions signées en février entre plusieurs espaces d’art contemporain et la Ville, cette première initiative cumule aussi les avantages. Florian Javet l’espère: «Cette collaboration avec le Service de la culture devrait permettre une meilleure circulation entre les créateurs et les pouvoirs publics, rendant la zone d’étanchéité moins dense.»
On se souvient des controverses de 2013 qui avaient agité la scène et révélaient un déséquilibre dans la politique culturelle lausannoise, plus attentive aux arts de la scène qu’aux arts visuels. Personne n’a oublié non plus les cas d’artistes forcés par un tournus réglementaire de quitter leur antre loué à la Ville puis le geste fait contre la pénurie d’ateliers et de locaux abordables avec la transformation des 400 m2 du bâtiment administratif des abattoirs de Malley en une ruche artistique. La Ville avait alors reçu quelque 80 candidatures mais n’avait pu en retenir qu’une dizaine. Le provisoire devait durer deux ans, il dure encore un peu. Et le retard lausannois se comble donc un peu… aussi. Il devait l’être! À moins que la question ne soit posée dans l’autre sens, pourquoi une ville devrait-elle des ateliers à ses artistes?
«Est-ce vraiment le rôle d’une ville? Je dirai oui et non, à nous d’accompagner et de dynamiser cette vie culturelle pour préserver une identité forte, mais on ne peut pas le faire seul»
Michael Kinzer, chef du Service de la culture, a la réponse dans les deux cas! «Dans un monde idéal, on offrirait le plus d’espaces et de lieux possible aux artistes, mais la réalité n’est pas si évidente. Maintenant, est-ce vraiment le rôle d’une ville? Je dirai oui et non, à nous d’accompagner et de dynamiser cette vie culturelle pour préserver une identité artistique forte, mais on ne peut pas le faire seul, d’où l’intérêt, dans ce cas précis, d’avoir un partenaire de discussion indépendant et représentatif comme SCALA. Polymorphe, la scène des arts visuels mêle plusieurs générations et des réalités différentes, il était donc important pour nous d’avoir un interlocuteur, ce qui nous permet de conjuguer nos motivations et de prospecter ensemble afin de trouver les bons lieux.»
Lausanne n’échappe pas au phénomène de gentrification, «comme toutes les villes européennes, ajoute Michael Kinzer. Le tissu urbain est très dense, il y a peu de friches, ce qui ne nous empêche pas d’étendre cette réflexion aux communes environnantes. D’ailleurs le fait de devoir chercher des solutions permet aussi d’étudier de nouveaux modèles, avec parfois des affectations temporaires qui deviennent pérennes. Ou d’autres qui se perpétuent, nomades.»
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