Art contemporain«Selfie», vingt ans d’une vie en 48 tableaux
Jean-Marie Reynier fait son autoportrait en rafale, 48 tableaux sur bois, pour une introspection. A voir à la galerie Aarlo u Viggo à Buchillon.

Les anciens – et surtout le XVIIe siècle version ténébreux et recueilli – parlaient de «Vanité» devant ces crânes juchés en allégorie de la mort sur une table, au milieu de fruits, de fleurs ou d’écrits. Jean-Marie Reynier, lui, dit «Selfie», le titre si bien trouvé de son exposition à voir à la galerie Aarlo u Viggo jusqu’à la fin du mois d’octobre.
«Tout infusait en moi avant que cela ne surgisse d’un coup. Et, en un mois, j’avais les 48 peintures»
La filiation fleure l’audace, mais pourquoi pas, elle promet un esprit transgressif et une généreuse dose l’humour! Collant de près à l’image de ce Tessinois de naissance, désormais établi à Perroy, qui, s’il prend son art très au sérieux, l’est beaucoup moins concernant sa personne. N’hésitant pas à s’afficher sur les réseaux sociaux peignant avec une peau de dinosaure comme couvre-chef!
Dandy dans l’âme, Jean-Marie Reynier joue avec l’histoire de l’art, ses crânes fantomatiques – un grand classique pour lui depuis qu’il a 6 ans – viennent des profondeurs symboliques mais ils rassurent aussi dans leur plastique de héros pop. Gentils petits monstres, parfois éléphantesques, d’autres atomiques ou simplement médusés, ils constellent le travail exposé à Buchillon sans pour autant le coloniser.

«Selfie» est un autoportrait en rafale, 48 tableaux sur bois, pour une introspection. L’artiste remonte vingt années de création en feuilletant un album personnel «sans l’imposer au public». On ne saura pas vraiment l’origine d’une pièce ou d’une autre. Enfin si… il y a le souvenir de ses mains posées sur le corps de son amoureuse. Il aurait bien photographié l’instant, mais les mains étaient prises, alors il l’a peint.
Les contraintes ne sont donc que pour lui, un même format, une technique au spray complètement nouvelle, une interdiction d’utiliser son très cher trait noir. Il a adoré ça! «Tout infusait en moi avant que cela ne surgisse d’un coup. Et, en un mois, j’avais les 48 peintures. Initialement j’avais acheté 50 panneaux, j’en ai offert un à une amie qui voulait le peindre et il m’en reste un… vierge.»
Farandole narrative
La suite – et c’en est une, farandole narrative, elle le montre, elle le dit – défile dans une folle cadence qui s’auto-oxygène pour se régénérer à chaque fois différente! Les impulsions ont suivi les chemins de l’intime pour venir se cristalliser, aussi pressantes que fiévreuses, à la surface d’un travail tenant à la fois du geste spontané d’un graffeur et de la densité d’une œuvre construite avec le temps qui passe. Même si l’artiste parvient à l’arrêter dans une dernière pirouette: «Je me suis assuré que les couleurs durent au moins 100 ans.»

Buchillon, Galerie Aarlo u Viggo
Jusqu’au 31 octobre,
les jeudis, vendredis, premier samedi du mois (14 h-20 h)
ou sur rdv 078 300 25 01www.aarlouviggo.com