L’hôtelier, le vigneron et la vache à lait
Tondez riches moutons et trayez grasses vaches, tant que les vignerons s’occupent à la tâche. C’est une bien étrange fable que narre Vevey à l’approche de la Fête des Vignerons. Un conte où le terroir devrait être roi; un éloge de la lenteur mais qui s’incarne dans la frénésie et la démesure.
L’événement a replacé la Ville d’images bien en vue sur la carte du monde: le «National Geographic» et le «New York Times» ont invité leurs lecteurs à venir découvrir la région; le comité d’organisation met les petits plats dans les grands pour draguer Paris à la Gare de Lyon ( notre édition du 1er février ). Joli coup de pouce au tourisme de la Riviera! Nombre d’hôteliers ont flairé le filon et «adapté leurs prix à la demande», doublant, voire triplant le coût de la nuitée. Une hausse est légitime, loi du marché oblige. Mais dans quelle proportion? Et pour quelles retombées sur l’image de la région?
Ceux qui majorent leurs tarifs s’encoublent en essayant de la justifier; ceux qui s’y refusent affichent déjà un joli taux de remplissage. Même la direction de la Fête déplore cette situation: «La Fête des Vignerons, c’est le patron qui se met au niveau de l’ouvrier.» Si le patron pourra éventuellement se permettre une nuit à Vevey cet été, l’ouvrier y regardera à deux fois avant de s’offrir un séjour dans un quatre-étoiles facturé au prix d’un palace. Voire de venir assister à cet éloge de la terre que devrait être la Fête des Vignerons. Il est d’ailleurs amusant de voir les organisateurs se distancier des hôteliers: l’annonce du prix des billets – entre 79 et 359 francs – avait provoqué de vives réactions en septembre. Pour prendre part en famille à l’événement, l’ouvrier risque de devoir s’élever au rang de patron.
Lire aussi: Des hôtels feront exploser leurs prix durant la Fête
La fête sera grandiose. Trop? En voulant se faire aussi grosse qu’un bœuf, elle s’éloigne des valeurs de simplicité qu’elle devrait vanter.
Et du public local qu’elle devrait choyer. Les critiques des commerçants et habitants en attestent. L’afflux de touristes induit par le rayonnement du rendez-vous fera peut-être oublier cette grogne. Reste à savoir quelle impression les touristes garderont de leur séjour: il n’est pas certain que le mouton tondu accourra une deuxième fois à la bergerie.
Créé: 02.03.2019, 08h52

David Genillard, Rubrique Vaud et régions
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