La fête réveille les amis et les mémoires
La fête change le monde. Je veux dire, le monde veveysan, le monde de la région. Elle favorise dans l’arène et en dehors des rencontres et des retrouvailles. Elle réunit tellement de monde venu de pas très loin que forcément, on connaît des figurants, des spectateurs, des passants qui surgissent de la vie qu’ils ont menée sans qu’on le sache.
J’ai retrouvé le premier copain de ma vie l’autre jour. Je dis son nom: Philippe Martin. Je ne le vois qu’à la Fête des vignerons (la dernière fois c’était en 1999). Il me voit passer dans le cortège, il me hèle, je file lui serrer la main et tout me revient. En fait ce n’est pas le premier copain de ma vie, c’est le deuxième. Le premier s’appelait Jean-Paul et nous jouions aux cow-boys et aux Indiens dans les dépôts du magasin d’alimentation de son papa. Je devais toujours faire le mort, Jean-Paul devait toujours être le vainqueur. Cela finissait souvent mal. Philippe Martin, c’était autre chose. Il fut la bienveillance même.
«La fête est une amie qui ouvre les mémoires, rapproche des gens pour trois secondes ou trois jours. Ou plus»
J’avais dix ans, j’arrivais de France, je n’avais plus le moindre ami et il est arrivé du bout de la rue pour me proposer de partager ses noix, pour me faire mes premières tartines de Cenovis, pour m’inviter à jouer au foot dans son jardin, pour tirer avec sa carabine à plomb sur les pommes devant la fenêtre de sa chambre, pour m’emmener en montagne, moi le gamin arrivé du pays des plaines, pour y faire du vélo. Philippe, il faudra qu’on se revoie avant la prochaine Fête des vignerons, car le temps passe. J’ai aussi retrouvé, parmi bien d’autres personnes, Georges De Mertzenfeld (en uniforme de Cent pour cent sur la photo ci-dessous ici à côté de Raoul Colliard). Il fut gardien du Montreux Sport il y a quelques décennies. J’étais impressionné par son élégance. Toujours habillé tout en noir, cheveux tout noirs aussi, rien que par son allure, il faisait diminuer les forces de l’adversaire.

L’autre jour, dans les entrailles de l’arène, une voix m’appelle. Tu me reconnais? Attends, oui, oui, tu es Georges. Et tout revient. C’est l’effet fête. Il a des cheveux gris en plus, mais dans son habit rouge et blanc de Cent pour cent, il a la même prestance naturelle.
J’ai croisé cent autres connaissances. La fête est une amie qui ouvre les mémoires, rapproche des gens pour trois secondes ou trois jours. Ou plus. Et je me demandais, vers deux heures du matin, en suivant une mère et une fille sur leur long trajet de retour, ce qu’elles se disaient, ainsi unies par la fête, main dans la main dans la nuit si douce.

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