Festival Singuliers PlurielSolos comme des souffles de liberté
La troisième édition du festival lausannois de seul(e)s en scène du 2.21 dépasse les tabous et explore la multidisciplinarité.

L’intime, ce qui ne se dévoile pas, que l’on n’ose ou ne veut pas dire, et qui constitue pourtant la substantifique moelle d’une personnalité, est au centre de la parole et de la corporalité des huit «solistes» du festival Singuliers Pluriel, N°3. «Le solo, c’est un défi que se lance une comédienne ou un comédien, rappelle Michel Sauser, responsable de la programmation au 2.21. L’artiste est seul maître à bord, mais il porte aussi tout le poids de la réussite, seul face au public.»
«C’est un tremplin pour des artistes en début de carrière et la possibilité d’exister dans l’espace théâtral.»
Imaginé pour répondre au nombre exponentiel de propositions de soli, le festival Singuliers Pluriel en est déjà à sa troisième édition. Mêlant les générations et les genres, ce troisième opus s’ouvre à la danse, à l’humour et au clownesque. «C’est un tremplin pour des artistes en début de carrière et la possibilité d’exister dans l’espace théâtral», note le programmateur.
D’autres théâtres romands comme la Comédie à Genève en 2019 ou le TBB à Yverdon, avec son festival d’autofiction – repoussé deux fois en raison de la pandémie, mais qui devrait avoir lieu en mars prochain – ont mis les soli à l’honneur. Des initiatives qui ont permis de mettre en lumière des artistes hors limites tels Rebecca Balestra ou Cédric Leproust. Plus facile à financer et demandant moins d’infrastructure technique, le solo s’adapte à tout type de salle et peut être proposé dans des lieux non dédiés à la scène comme des musées ou des parcs publics. Un grand plus en cette époque tourmentée.
Failles et autodérision
Du questionnement à voix haute autour du concept d’intelligence de «QI-Quapacités Intelectuèles» d’Alenka Chenuz à l’expression silencieuse et clownesque du corps avec «Piaf piaffe» de Margaux Kissling, en passant par la parole en mouvement de «En corps là» de Katy Hernan et de «Dans nos moules» d’Anne-Laure Brasey, jusqu’aux incarnations kaléidoscopiques décalées du «Rien prouvé» de Lucas Vuilleumier, l’humour affleure pour mieux faire émerger les failles des parcours de ces interprètes d’autofiction.
Pour d’autres, c’est la poésie de textes d’auteurs romands comme Pierre Lepori pour «Le voyageur insomniaque (Sandro Penna)», Véronique Olmi pour «Bord de Mer» et Fabrice Melquiot pour «Le Bizarre» qui incite à explorer des univers intérieurs. «J’ai une sorte de syndrome de l’imposteur qui me dit que je ne suis pas aussi intelligente que les autres», avoue Alenka Chenuz qui fait montre au contraire de beaucoup d’esprit et d’autodérision en présentant son solo «QI - Quapacités Intelectuèles», librement inspiré par le roman «Des Fleurs pour Algernon» de Daniel Keyes. «Même si j’ai fait des études, la thématique du handicap intellectuel abordée dans le livre me hante depuis longtemps. Qui décide de qui est intelligent? Qu'est-ce que réellement l’intelligence et par conséquent la réussite? Ces interrogations me semblent être encore taboues. Avec pour conséquence, des personnes marginalisée parce qu’elles n’ont pas eu les outils adéquats pour les aider à dépasser leurs difficultés.»
Autre tabou abordé lors de ce festival, celui de la fragilité existentielle exposée avec sensibilité et humour par la comédienne et danseuse Katy Hernan. «J’avais envie d’évoquer ces choses dont on parle difficilement comme la fécondation in vitro, la maladie d’un enfant, le burn-out, le suicide… qui ont aussi été une succession d’épreuves personnelles. Aujourd’hui, apaisée, je me sens la responsabilité de dire l’immense capacité des êtres humains à se relever car j’ai la chance d’être une artiste qui peut transformer cela en poésie.»
Lausanne, Théâtre 2.21 Réservations: 021 311 65 14www.theatre221.ch
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