Son savoir-faire à disposition des «nécessiteux»
Edouard Coquoz, dentiste.

La rencontre commence par un cri du cœur. «Il faut passer le message aux confrères: nous avons besoin de bénévoles!» Voilà pourquoi Edouard Coquoz a ouvert la porte de son cabinet du Point d'eau, l'espace d'hygiène et de santé gratuit de Genève, comme si on avait toqué avec une rage de dents à traiter d'urgence. Dans ces éléments mobiles de la rue Chandieu, non loin de la Servette, au bout d'un couloir en proie aux infiltrations, le dentiste tient une permanence avec d'autres bonnes âmes.
Trois dentistes, une assistante dentaire, deux hygiénistes et une podologue complètent l'offre d'une structure où les démunis trouvent avant tout des douches et une buanderie. Signe de l'équilibre précaire des lieux, un tableau d'ophtalmologue accroché au mur est devenu inutile. «L'ophtalmologue bénévole a dû partir, on ne peut plus traiter les yeux», regrette le médecin-dentiste. Ainsi, depuis qu'un confrère a annoncé qu'il quittait l'aventure sociale, la survie du cabinet le préoccupe. «Il s'agit d'être disponible trois heures toutes les deux ou trois semaines», lance Edouard Coquoz.
«Le bouche-à-oreille a élargi les populations que nous recevons. Ils viennent, ils ont mal, on les soigne gratuitement»
Le message est transmis. On mesure son importance en écoutant le septuagénaire parler des «nécessiteux» qui prennent place sur «l'unit» — le fauteuil dentaire dans le jargon. Un jour par semaine, trois patients sont traités en urgence, cinq sont reçus sur rendez-vous. Des sans-abri pour la plupart, mais pas seulement. «Le bouche-à-oreille a élargi les populations que nous recevons. Ils viennent, ils ont mal, on les soigne gratuitement. Demain, si mille personnes nécessiteuses arrivent, on les soignera.» Dans ce cabinet unique à Genève, il faut aller à l'essentiel. Faute de moyens, on ne pose ni couronnes ni prothèses. «C'est ma grande tristesse. Certains patients en ont pourtant vraiment besoin.»
Si l'homme affiche sa détermination pour sauver la petite structure, il a été contraint de la fermer. En 2009, le cabinet montre de gros signes de fatigue après treize ans de service intense. «On ne pouvait plus travailler dans un lieu si vétuste», se souvient le dentiste. Mais Noël Constant, magicien du social, fondateur de l'association Carrefour-Rue et du Point d'eau qui en dépend, est de ceux qui s'accrochent. En 2013, il convainc Edouard Coquoz de remettre en marche le cabinet. Pour cela, il faut trouver un nouveau fauteuil et le monter. Un appel est lancé, un généreux confrère à la retraite y répond et cède son matériel. Les soins reprennent l'année suivante.
Ainsi, Edouard Coquoz est passé de son cabinet de la rue des Vollandes, où il a effectué l'essentiel de sa carrière, à quelques mètres carrés dans des préfabriqués. Retraité, il promet qu'il continuera de soigner tant que sa santé le lui permettra. «Je n'ai pas le souvenir d'un seul conflit durant ces années de bénévolat. Il y a une grande reconnaissance des patients, c'est gratifiant.» Au fil du récit de son parcours, la vocation sociale prend le pas sur le médical. Né à Lausanne dans une famille catholique, fils d'un chirurgien établi à Vevey, il aime surtout raconter comment sa mère, Péruvienne d'origine, est parvenue un jour à convaincre l'abbé Pierre de créer une communauté d'Emmaüs dans son pays natal. «Nous l'avons accompagné au Pérou en 1959! Notre famille pratiquait un christianisme ouvert, avec une fibre sociale très prononcée», raconte celui dont les rêves de jeunesse semblaient le destiner à une carrière de journaliste ou de photographe.
La nuit tombe sur le Point d'eau. Comme chaque jour, près de cent personnes ont pu se doucher et laver leurs habits. Dans la structure de fortune du Dr Coquoz, certains ont reçu des soins dentaires inespérés. Entre les lave-linge et les douches, combien de temps vivra encore ce cabinet? «Je suis convaincu que des confrères et consœurs qui veulent aider existent.»
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.