Portrait de vigneronneSon tour du monde initiatique du vin l’a ramenée à Chardonne
La Thurgovienne Christin Rütsche resplendit en Lavaux sur le domaine de Montimbert après plusieurs expériences exotiques, dont huit ans dans le Montepulciano.

Tout est de la faute du paysage. Lorsqu’enfant, Christin Rütsche sort de sa Thurgovie natale pour découvrir des horizons viticoles, en France et aux Grisons, ces cultures l’émerveillent. «Je crois vraiment que c’est cette vision romantique qui m’a poussée à m’intéresser au vin.»
Le coup de foudre pour Lavaux date lui de 1997: en partant en train rendre visite à sa soeur, jeune fille au pair à Genève, elle a le souffle coupé en sortant du tunnel de Puidoux. «Je sais, c’est un classique!» Mais il en a fallu du chemin, avant d’être la patronne du domaine de Montimbert, à Chardonne.
L’histoire commence entre les vallons et les pommiers de la Suisse orientale. Christin grandit avec sa sœur et son frère dans une famille «avec beaucoup d’amour». Elle loue le soutien indéfectible dont son clan fait preuve. Sa maturité professionnelle en poche, elle devient droguiste.
«Mais très vite, le rayon des vins est devenu mon préféré», dit-elle un grand sourire aux lèvres. A l’office d’orientation professionnelle, elle voit l’exemple d’une technicienne médicale devenue oenologue. «Je me suis dit que c’était possible.»
Les mains dans la terre
Direction Changins et son école d’ingénieur. C’est là qu’elle pose les bases de la technique, de la science du vin. Mais c’est en stage à Chardonne entre 2003 et 2004, chez Maurice Dentan, que la magie opère. En surplomb du lac, des vignes (de l’autoroute aussi), Christin s’acclimate à merveille à une vie dans son paysage rêvé.
Elle découvre le travail à la vigne, dans la terre. «Ce que je préfère.» Christin Rütsche maîtrise parfaitement la technique, mais c’est avec poésie, finesse, qu’elle parle de vin. Elle aime ce double impératif qui fait les bons nectars: la rigueur et les hasards de la nature, de l’instinct aussi lorsqu’il faut faire des choix.
«Je suis un peu comme ça. J’adore par exemple me lancer dans de grands projets culinaires. A la fin c’est bon, mais la cuisine est un chaos!» Car la Thurgovienne se passionne aussi pour la table, fait son propre pain, et dit ne rien aimer plus qu’une soirée entre amis à manger et à boire du bon vin.
Une fois le stage fondateur effectué et sa vocation trouvée, Christin file «découvrir le monde». En Nouvelle Zélande d’abord. Dans la foulée, elle atterrit pour trois mois dans La Mecque italienne du Montepulciano. Elle y passera huit ans. «Je m’occupais surtout de la réception du raisin, de la cave.» Des années «magnifiques» sur un grand domaine. Jusqu’à ce que l’envie de rentrer en Suisse la prenne.
La peur de l’occasion perdue
«Maurice m’a dit que son domaine était à remettre. J’ai dit non.» Huit mois passent durant lesquels elle sent poindre un regret, alors qu’elle pense l’opportunité passée. Mais elle apprend un beau jour que le domaine attend toujours son patron. Et ça sera une patronne!
«Ensuite, ça a été très vite. J’étais sûre que je voulais revenir ici et que je voulais m’occuper de tout.» Elle ramène sa Fiat 500, une grande table en marbre et son piano.
Prête pour la FéVi
Sa première cuvée est prête pour la Fête des Vignerons et son Pinot Gris est repéré par le pape des sommeliers, Jérôme Aké Beda. «J’ai eu beaucoup de chance d’avoir un bon timing et une si bonne année. Ca m’a aidé à démarrer.»
Depuis, elle écoule 8’000 à 9’000 bouteilles par an. Ses huit étiquettes joliment conçues avec la copine de son cousin, graphiste à Zurich, font mouche. Et elle parle avec passion des treize variétés qui font ses 1,75 hectares de vigne. «Je me réjouis à chaque fois de voir ce que ça va donner. J’essaye des choses, et pour l’instant, j’ai de belles surprises…»
Cette année, elle ajoutera un rosé à sa carte, composée de son déjà fameux pinot gris, mais aussi de sa version noire, de gamay, de chardonnay, assemblé à du sauvignon blanc. Tout est à déguster sur la terrasse, avec, en prime, une focaccia qu’elle prépare dans le four de la vénérable maison blanche qu’elle occupe seule.
Un-e employé-e vient prêter main forte deux à trois mois par an, en plus de la ribambelle de mains familiales, notamment pendant les vendanges. Son père, lui, fait le voyage une à deux fois par mois. Et sa famille assure la vente en Thurgovie.
A 38 ans, Christin Rütsche dédie presque l’entier de son temps à son métier. Tout juste s’autorise-t-elle de longs week-ends en Italie. On la voit forte, décidée à mettre en bouteille le meilleur de son immense travail. Pendant longtemps: «Je veux rester ici et devenir une vieille vigneronne. Faire du vin le plus longtemps possible...»
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