Le deal de l’année attaqué sur sa gauche et sur sa droite
VotationLe référendum a abouti. Le peuple aura le dernier mot sur la réforme qui lie financement de l’AVS et fiscalité des entreprises.

Divisés sur les arguments, mais unis sur l’objectif, les opposants à la RFFA ont fait aboutir le référendum contre cette réforme qui lie fiscalité des entreprises et financement de l’AVS. Le comité bourgeois qui réunit les jeunes des partis Vert'libéral, UDC et PLR a récolté 7000 signatures. Quant à la coalition de gauche, composée des Verts, de la Jeunesse socialiste, de certains syndicats et de l’extrême gauche, elle en a déposé 55'000.
Les premiers critiquent un projet qui prend en otage la population, puisqu’il mélange deux objets. Les seconds dénoncent de nouvelles mesures fiscales ne bénéficiant qu’aux plus riches. D’ici au 19 mai, date du scrutin, c’est donc une configuration bien particulière qui attend les Suisses. Ce deal historique de la RFFA est en effet un compromis concocté par le Parti socialiste, le PLR et le PDC, qui se trouvent ainsi dépassés par leur droite et leur gauche.
«Je ne comprends pas cet acharnement. La réforme fiscale a été corrigée»
«Si on regarde d’où viennent les signatures, on voit qu’il s’agit d’un référendum d’extrême gauche. L’opposition de droite est marginale, analyse Roger Nordmann (PS/VD). Je ne comprends pas cet acharnement. La réforme fiscale a été corrigée, et nous proposons une amélioration de 2 milliards par an de la situation financière de l’AVS. S’opposer à ce projet revient à saboter le 1er pilier, qui est l’assurance solidaire par excellence. C’est incroyable que Les Verts soient tombés dans le panneau.» Et le président du groupe socialiste de poursuivre: «Le peuple sera face à un choix assez simple: soit on résout deux problèmes avec un compromis helvétique, soit on jette tout à la poubelle. Après avoir fait capoter la Prévoyance 2020, l’extrême gauche joue un jeu dangereux. Veut-elle offrir à la droite une augmentation de l’âge de la retraite?»
Réagissant à l’attaque des Jeunes PLR, Christian Lüscher (GE), vice-président du parti, relativise. «Ce n’est pas la première fois qu’ils sont contre nous. Souvenez-vous de la loi sur les jeux d’argent ou de la surveillance des assurés. Les jeunes jouent le rôle de poil à gratter et c’est très bien. Je suis content que le peuple se prononce. Ça nous poussera à nous battre.» À cette fronde pourrait s’ajouter l’UDC. «Ce serait la démonstration que le PLR est le seul parti qui défend vraiment les emplois, réagit Christian Lüscher. Cette réforme est indispensable pour les entreprises.»
L’UDC se prononcera le 26 janvier. Un non à la RFFA compliquerait encore un peu plus la donne de la campagne. Le parti se trouverait en effet en porte-à-faux avec son conseiller fédéral, puisque c’est Ueli Maurer qui défend ardemment le projet.
Les quatre visages de l’opposition à la réforme fiscale
Les jeunes de droite
Le comité des générations contre le projet fiscal regroupe notamment les sections jeunes du Parti vert’libéral, de l’UDC et du PLR. Pour ces opposants de droite, c’est surtout le manque d’unité de la matière qui est au centre de la critique. «Nous ne contestons ni la nécessité d’une réforme fiscale ni celle d’une réforme de l’AVS, explique le Jeune Vert’libéral genevois Marc Wuarin, membre du comité. Mais le peuple devrait pouvoir écarter un projet et approuver le second. Or le parlement a mélangé deux objets distincts.» Ce couplage est qualifié d’antidémocratique, mais aussi de dangereux, puisqu’il risque de menacer tant la réforme de la fiscalité des entreprises que le financement du 1er pilier. Les deux milliards promis pour l’AVS sont basés sur une politique «du sucre» qui risque de se généraliser, préviennent aussi les jeunes qui redoutent un précédent. Reste que le poids de cette fronde de droite est à relativiser. Le comité n’a récolté que 7000 signatures.
Les Verts
Pour les Verts, la RFFA est aussi inacceptable que la dernière réforme de l’imposition des entreprises, balayée en votation en 2017. «Cela n’empêche pas le parlement de nous resservir la même recette, en changeant l’étiquette», dénonce le Parti écologiste. «Nous avons toujours été engagés pour une justice fiscale. Il n’y a pas d’écologie sans équité: en Suisse, mais aussi à l’international, réagit Lisa Mazzone, vice-présidente. En acceptant ce projet, la Suisse demeurera la locomotive de la sous-enchère fiscale. Or elle subtilise ainsi des recettes aux pays les plus pauvres.» Combiner ce projet avec l’AVS ne rend pas le projet plus digeste, insistent les Verts. Et ce même si les gros salaires payieront plus que les revenus moyens. «Même une simple vendeuse devra verser davantage pour l’AVS chaque mois, sans recevoir un centime de plus à sa retraite.» Avec 22 600 signatures, les Verts sont les plus gros pourvoyeurs de la coalition de gauche.
La gauche alternative
Pour la gauche de la gauche, cette réforme bafoue les valeurs qu’elle défend. «Ce projet est tout sauf solidaire et renforce les inégalités, dénonce Franziska Meinherz, porte-parole de SolidaritéS. Ce sont les entreprises réalisant des bénéfices très élevés qui profiteront de la RFFA, et pas les PME. Seuls quelques grands actionnaires se partageront le pactole. Mais il n’y a pas de cadeau. Toute la population - même les ménages précaires devront payer son coût». Pour elle, l’austérité est programmée. «À la clé, ce seront au moins 4 milliards qui manqueront dans les caisses publiques. Pour compenser ces pertes, les autorités fédérales, cantonales et communales préparent déjà des coupes drastiques ainsi que des augmentations d’impôts pour la population». SolidaritéS a récolté plus de 14'000 paraphes. D’autres partis de gauche se sont aussi engagés dans ce référendum, à l’image de la Jeunesse socialiste et de la section genevoise du PS.
Les syndicats
Les syndicats craignent surtout les conséquences de la réforme. «Elle permettra de baisser massivement le taux d’imposition des entreprises au niveau cantonal, rappelle Agostino Soldini, secrétaire central du Syndicat des services publics (SSP). Ce manque à gagner entraînera des coupes. Les premiers touchés seront les salariés du service public. Les usagers aussi casqueront. S’il y a moins d’argent dans les caisses de l’État, il y aura moins d’argent pour développer, par exemple, les structures d’accueils pour les enfants. C’est ce qu’on voit dans les cantons qui sont pionniers dans cette politique, comme Lucerne qui a fermé les écoles une semaine et a demandé à des milliers de familles de rembourser les subsides pour l’assurance maladie.» À côté du SSP, les sections genevoise et tessinoise d’Unia, ainsi que le SIT (Syndicat interprofessionnel des travailleuses et des travailleurs) sont aussi partis à la chasse aux signatures. Leur récolte: 15'000 paraphes environ. (24 heures)
Créé: 17.01.2019, 17h54
Les quatre visages de l’opposition à la réforme fiscale
Les jeunes de droite
Marc Wuarin, Membre du comité des Jeunes Vert’libéraux
Les Verts
Lisa Mazzone, Vice-présidente du Parti écologiste
La gauche alternative
Franziska Meinherz, Porte-parole de SolidaritéS
Les syndicats
Agostino Soldini, Secrétaire central SSP
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