Pour mieux comprendre l’élection surprise de l’inconnue Valérie Dittli au Conseil d’État, un passage par les classiques est utile. Dans «Les bronzés font du ski», le personnage Jean-Claude Dusse raconte à son pote Bernard que, dans la vie, tout est possible. «Alors si je peux me permettre de te donner un conseil, c’est: oublie que tu n’as aucune chance, vas-y, fonce! On sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher.»
Cette réplique culte peut s’appliquer au cas Dittli. En théorie, la présidente du Centre Vaud n’aurait jamais dû être élue. À la veille du premier tour, elle ne bénéficiait d’aucun ancrage local, ni de l’expérience et des compétences requises pour le poste. Et pourtant elle a recueilli sous son nom plus de 80’000 suffrages qui lui ont permis d’accéder au Château, réalisant l’exploit d’évincer son colistier Michaël Buffat (UDC) qui est, lui, bien implanté dans le canton.
«L’UDC n’aurait jamais participé à la liste commune s’il avait pensé une seule seconde que la Zougoise pouvait piquer la place de son candidat.»
Pas certain que la nouvelle conseillère d’État connaisse la réplique culte de Jean-Claude Dusse. La jeune femme n’est pas de culture francophone, encore moins vaudoise. Elle est née (en 1992) et a grandi à Oberägeri (ZG). C’est là-bas, aux portes de la Suisse primitive, dans un canton qui compte moins d’habitants que Lausanne, qu’elle a fait ses armes au PDC, désormais Le Centre. Ce parti dominant à Zoug n’est qu’un groupuscule dans le canton de Vaud.
Valérie Dittli débarque dans la capitale lémanique en 2016 pour y poursuivre ses études de droit. La juriste en formation apprend un français fédéral qu’elle maîtrise aujourd’hui gauchement, mais crânement, avec un accent alémanique. Elle rencontre aussi son petit ami, Vers-chez-les-Blanc, le chasselas et le taillé aux greubons. Autant d’avantages qui convainquent la future ministre de poser ses valises chez les Welches.
L’émigrée est jeune et ambitieuse. Elle mène de front un brevet d’avocat et la prise de pouvoir de la section cantonale du Centre. La présidente, qui n’est toujours pas inscrite au barreau, se permet au passage de pousser à la sortie les deux dinosaures démocrates-chrétiens Jacques Neirynck et Claude Béglé. Elle déclare alors vouloir faire de la place à de nouvelles têtes pour les prochaines élections à venir.
L’Alémanique se profile à la veille des dernières élections cantonales fin 2021. Ses alliés de droite y voient une opportunité. Ils espèrent profiter des multiples atouts de la nouvelle prétendante. Le PLR entend donner un coup de jeune à la liste de ses candidats jugés vieillissants. L’UDC, lui, désire lisser son image parfois stigmatisée comme extrémiste. L’Alliance vaudoise est créée.
Pris au dépourvu
Valérie Dittli est la principale à avoir bénéficié de cette liste commune. Pour le Grand Conseil, elle a récolté 5,25% des voix à Lausanne. Pour le Conseil d’État, 48,86% des suffrages au deuxième tour. Cette victoire a pris tout le monde au dépourvu. À commencer par son propre camp, qui n’aurait nullement créé cette entente s’il avait pensé ce résultat possible. L’UDC n’y aurait en effet jamais participé s’il avait pensé une seule seconde que la Zougoise pouvait piquer la place de son candidat.
L’élection de Valérie Dittli au Conseil d’État est légitime et incontestable. À la jeune ministre maintenant de faire en sorte que ce concours de circonstances se transforme en un projet politique crédible. Pour cela, elle peut voir, ou revoir, «Les bronzés font du ski» pour en tirer d’autres recettes politiques favorables. Au besoin, il existe une version allemande: «Sonne, Sex und Schneegestöber». Rappelons que le film finit bien.
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Carte blanche – «Sur un malentendu, ça peut marcher»
L’élection au Conseil d’État de la jeune inconnue Valérie Dittli a surpris tout le monde. À commencer par son propre camp.