Entreprise de l’alimentationSuter Viandes mise sur les spécialités régionales et l’épicerie
Entre Genève et Crans-Montana, l’entreprise familiale de Villeneuve développe ses boucheries avec des produits de gastronomie et se diversifie dans l’épicerie.

L’histoire de la maison Suter Viandes, née à Montreux, est inscrite dès ses origines dans la gastronomie des hôtels de luxe de la Riviera. Après avoir développé et industrialisé sa production dans son site de Villeneuve depuis les années 60, l’entreprise familiale, qui fête 150 ans cette année, mise toujours plus sur les spécialités régionales et se diversifie dans l’épicerie.
Fondée en 1871 par Charles Suter, à l’âge de 21 ans, la maison Suter vendait déjà un large assortiment de viandes et charcuteries pour les clients professionnels de la gastronomie.
Jeunes entrepreneurs aussi, entre 33 et 40 ans, les frères Gerber, Michel, Philippe et Pascal, qui dirigent maintenant la maison, se sont orientés eux aussi dans ce registre haut de gamme. «Notre stratégie nous positionne dans les produits premium et régionaux», explique le premier, directeur général de Suter Viandes.
Vice-champion du monde
Dans le canton de Vaud, les produits-vedettes en boucherie ne sont plus à présenter: saucisses aux choux, saucissons et boutefas, ainsi que les petits pâtés vaudois. Dans la maison du bout du lac, on n’est d’ailleurs pas peu fier d’avoir décroché le 9 octobre dernier la médaille d’argent au Championnat du monde du pâté vaudois, à Vevey.
Le croustillant de la pâte et le fondant de la chair est tout un art à en croire le patron, boucher-charcutier de formation et détenteur d’un master HEC, tout comme ses deux frères!
Dans les halles industrielles de Villeneuve, où les machines sont nombreuses, une activité de production manuelle se développe à nouveau pour les spécialités traditionnelles qui reviennent au goût du jour. Ainsi pour les pâtés en croûte, il y a un retour à un travail plus artisanal, disent-ils.
Ces dernières années, sous ses différentes enseignes, l’entreprise a aussi varié son offre dans le «prêt à manger», tels que steaks tartare avec sauces ou vitello tonnato. Une activité qui requiert davantage de main-d’œuvre.
À Genève, ce sont des viandes et charcuteries labelisées comme la Longeole IGP, cette saucisse allongée à base de viande de porc et graines de fenouil, les terrines ou le saucisson de sanglier. En Valais, comme en Gruyère: viandes séchées, lard sec et jambon cru. Saucisson fumé et jambon de la Borne identifient le canton de Fribourg, le saucisson neuchâtelois… Neuchâtel et la saucisse la région de l’Ajoie.
Six générations
Alors qu’il y a dix à quinze ans, la fabrication était toute concentrée à Villeneuve, les spécialités sont aujourd’hui produites selon la tradition dans leur canton d’origine. S’ils pouvaient les déguster aujourd’hui, les gastronomes d’il y a cent cinquante ans ne seraient pas surpris.
Par contre, ce qui a beaucoup changé dans l’entreprise familiale, qui a connu trois familles et six générations à sa tête – l’actuel président, Ueli Gerber, l’a acquise en 1986 – c’est son extension dans tout le bassin lémanique et depuis peu bien au-delà. Les sites de vente et de production s’étendent de Carouge à Crans-Montana, à travers diverses enseignes de renom. Outre la gastronomie, l’entreprise dessert surtout une clientèle privée qui recherche des produits de terroir.
«Avec le Covid, la gastronomie pour la restauration est presque tombée à zéro. Nous avons donc développé nos points de vente.»
Le groupe familial avait mis la main en 2015 sur la Boucherie du Palais à Carouge, réputée pour ses spécialités de la campagne genevoise et ses viandes affinées et exclusives d’importation qu’elle fournit aux grands chefs. En 2018 et 2019, les boucheries du Rawyl à Montana et Grand’Place à Crans tombent dans son escarcelle.
Et durant la période de la pandémie, l’entreprise n’a pas rentré ses griffes. L’an dernier, elle reprenait la boucherie dans l’épicerie fine Minestrone à Montreux, puis les plots de coupe de la boucherie du Manor d’Yverdon. Elle en faisait de même à Morges cette année.
«Avec le Covid, la gastronomie pour la restauration est presque tombée à zéro, remarque Michel Gerber. Nous avons donc développé nos points de vente.»
Suter Viandes en compte désormais cinq dans le canton de Vaud et dix au total sous différentes marques. Elle dispose d’un e-shop, mais le directeur général est convaincu que dans ce métier, le client – qui «mange moins de viande mais mieux» – veut voir le produit avant d’acheter, surtout lorsqu’il y a une mise en valeur de la qualité. Comme pour la vente à la ferme, il veut du conseil et créer une relation avec son boucher.
C’est dans cet esprit que l’entreprise a conclu des partenariats avec des éleveurs pour des produits exclusifs que l’acheteur trace depuis la bête jusqu’à l’assiette.
À l’affût des opportunités
En 2020, le groupe de Villeneuve a également repris le producteur de spécialités valaisannes Le Montagnard, situé entre Sion et Sierre. Ainsi, il compte aujourd’hui 240 collaborateurs au total (production et vente), dont 25 en Valais, 75 à Carouge (GE) et 140 à Villeneuve.
Mais la deuxième génération des Gerber, qui travaille en trio à la tête de l’entreprise, ne compte pas s’arrêter là. Michel, Philippe (responsable vente et marketing) et Pascal (responsable production), qui ont pris la direction des opérations depuis cinq ans et s’apprêtent à reprendre le capital, veulent se diversifier au-delà de la boucherie.
Ils ont le projet l’an prochain de reprendre la gérance d’une épicerie partenaire Migros. La partie boucherie est déjà sous leur aile, mais Suter Viandes s’occupera de tout l’assortiment dans l’objectif de valoriser mieux encore leur production.
À entendre Michel Gerber, le groupe n’a pas l’ambition d’accroître les volumes et de se battre avec les grands producteurs sur les prix. Comme leur père, Ueli, les trois jeunes dirigeants, qui ont tous pris du galon sous les drapeaux, sont des entrepreneurs dans l’âme, si ce n’est dans l’ADN. Ils ne sont pas en chasse mais toujours à l’affût des opportunités d’acquisitions.
Avec leur stratégie régionale, les frères bouchers à la tête de la vénérable maison Suter veulent être perçus comme des artisans du terroir plus que des industriels.
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