Enquête sur TikTok aux États-UnisLe discret patron de TikTok défend l’application face au Congrès américain
Shou Chew, le patron de TikTok, est auditionné dès ce jeudi au Congrès américain pour éviter l’interdiction de l’application aux États-Unis.

Shou Chew, le patron de TikTok, filiale du groupe chinois ByteDance, tentait difficilement jeudi de défendre son application, face à des élus américains remontés à bloc contre la plateforme qu’ils accusent de mettre en danger la sécurité nationale et la santé de ses utilisateurs.
Tiktok, soupçonné par de nombreux gouvernements de donner accès aux données des utilisateurs à Pékin, risque l’interdiction totale aux États-Unis.
«J’imagine que vous allez dire tout ce que vous pouvez aujourd’hui pour éviter ce résultat», a déclaré d’emblée Cathy McMorris Rodgers, la présidente de la puissante commission parlementaire de l’Énergie et du Commerce, qui a convoqué le dirigeant pour une audition.
«On ne vous croit pas», a-t-elle assené. «ByteDance est redevable au Parti communiste chinois et ByteDance et TikTok, c’est la même chose».
La pression politique contre le très populaire réseau social est montée en flèche ces derniers mois des deux côtés de l’Atlantique. La Maison-Blanche, la Commission européenne, les gouvernements canadien et britannique et d’autres organisations ont interdit à leurs fonctionnaires de l’utiliser.
Shou Chew a reconnu que la plateforme a encore d’anciennes données d’utilisateurs américains stockées sur des serveurs accessibles par des employés chinois.
Le dirigeant a promis que d’ici la fin de l’année, toutes les informations liées aux 150 millions d’utilisateurs du pays seraient gérées uniquement depuis des serveurs du groupe texan Oracle, situés aux États-Unis, mais «aujourd’hui, il y a encore des données que nous devons supprimer».
«Le gouvernement chinois ne possède pas et ne contrôle pas ByteDance. C’est une entreprise privée», a-t-il cependant insisté.
La représentante Anna Eshoo a qualifié ses arguments de «grotesques». «Je ne crois pas qu’il existe réellement un secteur privé en Chine», a-t-elle dit, évoquant la loi chinoise qui impose aux entreprises du pays de partager leurs données si Pékin leur demande.
TikTok «détruit des vies»
Aux États-Unis, la destruction en février d’un ballon chinois supposé espion a suscité un regain de tensions avec la Chine.
«Je crois quand même que le gouvernement communiste de Pékin aura toujours le contrôle, et la capacité d’influencer ce que vous faites», a de son côté martelé l’élu démocrate Frank Pallone.
Plusieurs projets de loi, soutenus à droite et à gauche, sont dans les tuyaux pour interdire TikTok. La Maison-Blanche a laissé entendre que si TikTok restait dans le giron de ByteDance, elle serait interdite.
Mais une cession, même si la maison mère était d’accord, serait très compliquée. Le succès de la plateforme tient beaucoup à ses puissants algorithmes de recommandation, et «séparer l’algorithme entre TikTok et ByteDance relève de la chirurgie entre des jumeaux siamois», note l’analyste Dan Ives de Wedbush, pour l’AFP.
Le patron singapourien, ancien étudiant de Harvard, a aussi affronté de nombreuses questions sur les responsabilités de TikTok concernant la santé mentale et physique des plus jeunes, des risques d’addiction aux dangereux défis que se lancent les utilisateurs.
«Votre entreprise a détruit leurs vies», a déclaré Gus Bilirakis, en désignant les parents d’un adolescent mort, venus assister à l’audition. Ils ont porté plainte contre la plateforme, qu’ils accusent d’avoir montré des milliers de vidéos non sollicitées sur le suicide à leur fils.
«Votre technologie entraîne littéralement des décès», a lancé le représentant.
«Conversation honnête»
«Vous savez que TikTok pourrait être conçu pour minimiser les dommages qu’ils causent aux enfants mais la décision a été prise de rendre les enfants accros au nom des profits», a de son côté affirmé la représentante Doris Matsui.
Des élus craignent aussi que l’application ne serve de cheval de Troie au Parti communiste chinois pour manipuler l’opinion.
Elle participe au contraire au rayonnement culturel des États-Unis, assure TikTok. Selon l’entreprise, les utilisateurs américains représentent 10% de leur base mondiale, mais 25% des visionnages.
TikTok et plusieurs associations estiment qu’une interdiction complète – comme en Inde depuis 2020 – relèverait de la censure.
«Pourquoi autant d’hystérie autour de TikTok?» a demandé mercredi soir le représentant démocrate Jamaal Bowman, lors d’une conférence de presse avec des créateurs de contenus venus défendre leur réseau préféré.
La plateforme présente les mêmes risques pour la confidentialité des données, la santé des utilisateurs ou la désinformation que «Facebook, Instagram, YouTube et Twitter», a fait valoir l’élu, appelant à une «conversation honnête sur tous les réseaux sociaux».
Duncan Joseph, un créateur de contenu de 20 ans, estime qu’il n’aurait jamais pu construire sa «communauté» sur les autres plateformes, qu’il juge moins «authentiques». «Sur TikTok, tout le monde peut devenir une superstar», a dit le comédien à l’AFP.
AFP
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