Au théâtre dès 1 an«Tous les genres peuvent s’adresser aux jeunes spectateurs»
Gardienne de l’âme du Petit Théâtre depuis quinze ans, Sophie Gardaz convie le public à célébrer les 30 ans de cet écrin magique, dès samedi. Interview.

Il était une fois un lieu enchanté où, une fois le grand rideau rouge levé, surgit la magie du théâtre. Comme dans un conte, la malle du Petit Théâtre de Lausanne, fondé il y a trente ans pile-poil par trois mousquetaires de la scène, est garnie de belles histoires et d’anecdotes poétiques (lire encadré). Gardienne de l’âme depuis quinze ans, Sophie Gardaz nous raconte l’évolution du théâtre jeune public, ses projets et ses rêves quelques jours avant le début des festivités qui se déploieront sur plusieurs journées, du 5 au 13 septembre.
Comment le genre «jeune public» a-t-il évolué ces quinze dernières années?
Quand j’ai pris les rênes du Petit Théâtre, nous étions à la fin de la période des «spécialistes». Une poignée de metteurs en scène étaient alors très engagés et militaient pour un théâtre jeune public aussi exigeant que les spectacles destinés aux adultes. Mais ces artistes ne côtoyaient pas les autres, le clivage était très marqué. Je trouvais cela dommage car les formes proposées manquaient de diversité. Le «jeune public» n’est pas un genre en soi; tous les genres, toutes les esthétiques peuvent s’adresser aux jeunes spectateurs. Je suis donc allée chercher des metteurs en scène qui n’avaient jamais pensé à créer des pièces pour enfants, je les ai encouragés à se lancer dans l’aventure. Je ne suis pas la seule à avoir entrepris cette démarche, le mouvement s’est répandu partout en Suisse romande.
Quels sont les metteurs en scène qui se sont rapidement jetés à l’eau?
Il y en a eu plusieurs, dont la Cie Pied de Biche, les arTpenteurs, Christian Denisart, Joan Mompart, Michel Voïta, Georges Grbic ou François Marin. La danse contemporaine s’est également tournée vers le jeune public: j’ai programmé Cisco Aznar, la Cie Utilité publique, Philippe Saire qui a fait un carton avec «Hocus Pocus», et cette saison Nicole Seiler.
Comment les artistes se sont-ils emparés du théâtre jeune public?
Il y a eu un grand travail sur l’écriture des spectacles, qui a intéressé de plus en plus d’auteurs et concepteurs pointus et exigeants sur le contenu. Les enfants ont la capacité de suivre des récits déconstruits, pas forcément linéaires ou réalistes, et de s’attacher à des objets étranges. On constate que les tout-petits n’ont pas encore intégré les codes narratifs, on peut donc leur proposer des spectacles de poésie sonore ou de jazz contemporain. Ils ont une oreille très attentive. En revanche, les artistes doivent rester conscients qu’ils s’adressent à un public particulier.
Dans quelle mesure le public a-t-il évolué ces quinze dernières années?
Le public du Petit Théâtre est très volatil, il se renouvelle constamment car les enfants grandissent. Ce qui est touchant, c’est que les parents qui venaient quand ils étaient petits y reviennent avec leurs enfants, dans une volonté de transmission, de leur faire vivre une expérience forte, intime. Nous constatons aussi que les parents veulent venir au théâtre avec des enfants de plus en plus jeunes. Nous accueillons beaucoup de spectacles dès 3 ans, voire dès 1 à 2 ans. On ne sait pas comment ils vivent cette expérience, mais les parents nous disent que les tout-petits sont contents de revenir!
Les créations du Petit Théâtre tournent-elles beaucoup, en Suisse et à l’étranger?
Il y a cinq ans, avec mes collègues de La Bavette à Monthey et du Théâtre des marionnettes à Genève, nous nous sommes rendu compte qu’il n’y avait pas de productions suisses romandes dans les festivals jeune public en France. Depuis, une fois par année, nous invitons des programmateurs français et belges à notre «Course d’école», un parcours dans les institutions de Suisse romande. Cela a été un moteur pour les compagnies romandes. Des spectacles comme «Hocus Pocus», «L’oiseau migrateur» de Dorian Rossel, «Les petits cochons 3, le retour» de Claude-Inga Barbey ou «Boulou déménage» de la Cie Rupille 7 ont connu un joli succès. La situation est un peu plus complexe avec la Suisse alémanique. La plupart des spectacles ont beaucoup de texte, et les enfants ont du mal avec le surtitrage. En revanche, les spectacles de danse contemporaine créés au Petit Théâtre ont tourné outre-Sarine.
Où en sont les rêves d’agrandissement du Petit Théâtre?
Nous sommes confrontés à un dilemme. D’une part, la population et les artistes ont un attachement énorme à la magie du lieu. D’autre part, les murs sont trop petits pour accueillir tout le public qui souhaite venir voir des spectacles. L’idée d’un déménagement a finalement été abandonnée et nous nous concentrons sur des projets d’agrandissement, qui prennent forme pas à pas. Nous souhaitons acquérir une structure modulable que nous pourrons installer dans le jardin, notamment pour accueillir les spectacles destinés aux tout-petits. Nous aurions aussi besoin d’une une salle de répétition, et d’espaces pour organiser des rencontres, des ateliers et nos programmes de médiation culturelle. Pour cela, nous espérons profiter du jeu de chaises musicales de Plateforme 10. Comme il est question de reconvertir le Mudac en Maison des Associations, BD-FIL et le Festival de la Cité (ndlr: qui partagent l’étage du bâtiment du Petit Théâtre) pourraient y déménager et gagner plus de place. Quant à nous, nous pourrions récupérer leurs espaces.
La saison reprend ce samedi. Dans quelles conditions?
Notre plan de protection se base essentiellement sur la traçabilité. Nous n’avons pas réduit la jauge, et le port du masque est recommandé pour les adultes, mais pas obligatoire.
Infos: www.lepetittheatre.ch
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