Dimanche, le NIFFF, la grand-messe du cinéma fantastique à Neuchâtel, comptait ses disciples, plus de 50’000 cinéphiles, un record pour des films souvent pointus. À l’autre bout de l’offre cinématographique, Tom Cruise aux commandes de «Maverick» a déplacé en masse, prouvant que remplir une salle ne tenait pas de la mission impossible. Sur le milliard de dollars récoltés dans le monde, la Suisse a cotisé, notons au passage que le prix du billet chez nous reste l’un des plus chers d’Europe. Au-delà, le crash demeure. Les gens retournent au concert, au bistrot, au théâtre… mais ne veulent plus s’enfermer dans le noir pour rire, pleurer ou même draguer.
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Pire, le constat ne relève pas d’un particularisme local. Nos voisins traversent le même désaveu. En France, l’affaire est prise avec sérieux par le CNC (Centre national du cinéma) qui a lancé un sondage pour éclaircir la désaffection. Et d’entonner la même rengaine. Les plus raisonnables avancent des faits, explosion de l’offre sur les plateformes de streaming, phobie des espaces clos, tension sur le pouvoir d’achat aggravée par la guerre en Ukraine. Les grincheux annoncent la fin du septième art, ce grand malade écrabouillé par une invasion de navets franchouillards ou hollywoodiens. Les historiens rappellent que la chute de la fréquentation était en cours avant le satané Covid.
Dans le détail des statistiques, ici comme ailleurs, un fossé générationnel s’accuse. Même plus fauchés que les autres, les jeunes sont retournés se faire une toile, sacrant les superproductions américaines en priorité. Tout à coup, les Thor et autres «musclors» sont devenus des gens très fréquentables. Et pour cause, ils font l’essentiel du box-office.
Mais un phénomène plus préoccupant émerge. La tranche des 30-50 ans semble s’être résolue à dévorer de la pellicule autrement. Or, constatent les spécialistes, cette génération constituait le gros des troupes cinéphiles, curieuses de films excentriques, prenant rendez-vous avec des auteurs encore anonymes. Jean-Luc Godard n’avait pas encore tourné son premier plan que le cinéma était déjà mourant, rigoleront certains. Encore y avait-il des salles pour projeter ses films. Les uns peuvent-ils exister sans les autres? À voir.
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Éditorial – Très cher cinéma
En deux ans, les Romands auraient perdu l’envie du grand écran. Le Covid n’explique pas tout.