Gestes barrièresTrès prisé, le salut poing à poing est une fausse bonne idée
Remplaçant la poignée de main, le «fist bump» est déconseillé par le médecin cantonal. Mais d’où vient-il et qu’est-ce qui fait son succès?

Avec la reprise progressive de la vie sociale est revenu le besoin de se saluer. Et si la poignée de main semble définitivement rangée dans le placard des habitudes du monde d’avant, le «fist bump», «check» ou salut poing contre poing semble, lui, se faire une place au soleil. Dans les réunions politiques ou associatives, entre amis ou lors des fêtes de famille, on se tape désormais allègrement les phalanges les unes contre les autres. D’où vient ce geste? Que nous dit son adoption croissante? Et enfin, est-il adapté à la situation sanitaire actuelle?
«Le besoin de toucher est quelque chose de profondément inscrit en nous»
Commençons par la fin avec un constat malheureux: c’est une fausse bonne idée. «Ce salut n’est ni recommandé, ni même tolérable dans la situation de pandémie actuelle, tranche le médecin cantonal vaudois Karim Boubaker. Les règles générales sont toujours de respecter 1,5 mètre de distance entre les personnes et d’éviter les contacts physiques.» Rien de nouveau donc. Mais alors? Pourquoi une part croissante de la population s’autorise-t-elle quand même ce geste interdit? «Le besoin de toucher est quelque chose de profondément inscrit en nous, rappelle Anik Debrot, docteur en psychologie à l’Université de Lausanne. C’est par exemple le premier moyen d’échange entre un nourrisson et ses parents. On observe aussi que le stress d’une personne diminue dès qu’on lui prend la main. Il n’est donc pas étonnant que les gens cherchent un moyen de contourner l’interdiction de se serrer la main.»
Proche de la poignée de main
Outre le besoin inconscient, le geste évite de se «sentir bête». Car il réintroduit un rituel. «Saluer, c’est entrer en relation avec son vis-à-vis. C’est initier une communication avec celui ou celle que l’on rencontre, expliquait sur son blog en 2016 la docteur en science et sociologie de l’Université de Fribourg, Mallory Schneuwly Purdie. La poignée de main imprime un contact physique […] et en même temps définit la distance de confort entre les individus pour entrer en communication. […] Serrer la main des personnes que l’on côtoie témoigne d’un respect réciproque, ou tout au moins d’une acceptation de l’autre dans son intégrité. Elle est aussi synonyme de confiance et surtout d’égalité.» On tient vraisemblablement là, l’explication du succès du «fist bump», qui, de tous les gestes imaginés pour remplacer la poignée de main (check du coude ou du pied, geste de salut de la langue des signes) est celui qui se rapproche le plus cette dernière.
Mais d’où vient-il ce «poing contre poing»? Ses origines remonteraient au temps de l’esclavagisme aux États-Unis. Avec le temps, il est en tout cas devenu un geste très répandu dans la communauté afro-américaine, et tout particulièrement utilisé dans le monde du sport, pour se saluer entre adversaires ou coéquipiers. Sa démocratisation récente est sans doute due à l’ancien président américain Barack Obama, qui l’a probablement et involontairement mis sur le devant de la scène en saluant ainsi son épouse Michelle au soir de son élection en novembre 2008.
Plus hygiénique mais pas assez
Clin d’œil de l’histoire, six ans plus tard, l’American journal of infection control publiait une étude indiquant que cette manière de se saluer était nettement plus hygiénique que la poignée de main traditionnelle, diminuant de plus de 90% le nombre de bactéries échangées lors du contact. Un taux qui n’est toutefois pas encore suffisant lorsqu’on cherche à éliminer toute transmission d’un virus.
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