Palmarès des CésarTriomphe d’un film sur un féminicide, «La Nuit du 12»
Le long métrage, d’abord difficile à monter, a à l’arrivée conquis son public et raflé les récompenses, avec six César, dont un rare doublé.
«La Nuit du 12», qui raconte l’enquête impossible sur un féminicide en France, a triomphé aux 48e César à Paris: ce long métrage a remporté six prix, dont un rare doublé avec les César du meilleur film et du meilleur réalisateur pour Dominik Moll. Les acteurs Bastien Bouillon et Bouli Lanners ont reçu le prix du meilleur espoir masculin et du meilleur acteur dans un second rôle, pour leur interprétation d’un duo d’enquêteurs de la PJ, qui tentent d’élucider l’assassinat d’une jeune fille, sans témoins.
Inspiré d’un fait divers survenu en Savoie, en France, «La Nuit du 12» livre une galerie de suspects qui ne se rendent même pas compte de la misogynie de leurs propos, et s’attaque aussi au machisme dans la police. Dans nos pages en juillet dernier, Dominik Moll détaillait: «Plus qu’un manifeste, je voulais questionner la masculinité. Mais comment éviter les faits? Une jeune femme, qui confesse aimer les bad boys, est assassinée. Eh bien, il y en aura toujours pour dire qu’elle l’a cherché. L’inverse n’existera jamais. Cela montre la différence de perception en matière de sexualité!»
En remportant sa deuxième statuette de réalisateur, vingt-deux ans après «Harry, un ami qui vous veut du bien», Dominik Moll a eu lors de la cérémonie «une pensée pour la vraie Clara, la vraie victime de l’affaire qui a donné lieu au film. Elle s’appelait Maud.»
Il a également rendu hommage au public français, «qui a une appétence pour les films qui sortent des sentiers battus», puisque son film a rassemblé plus de 500’000 spectateurs, malgré les difficultés qu’il avait rencontrées à le financer, comme il l’expliquait dans nos pages: «J’ai eu de la peine à monter «La Nuit du 12», car les patrons de chaînes me disaient avoir déjà beaucoup labouré ce type de sujets, qu’ils s’étaient banalisés. Mais en fait, ce qui ne passait vraiment pas, c’était de laisser l’affaire irrésolue. D’être anticonventionnel… Ça, me disaient-ils, les spectateurs ne l’accepteraient pas. Le comble!» Sachant qu’en France, sur 800 homicides annuels, 20% resteront inélucidés. Dans ce film, Dominik Moll a «planqué des hommages» à Alfred Hitchcock, son «papa cinématographique».
Le couronnement de «La Nuit du 12» et son message féministe n’a toutefois pas masqué l’absence de réalisatrices parmi les nommés pour la meilleure réalisation: lors de la cérémonie, plusieurs voix ont déploré cette lacune. Tonie Marshall reste à ce jour la seule femme à avoir reçu un César du meilleur réalisateur avec «Vénus Beauté (institut)», en 2000.
Autres primés
Côté interprète masculin, Benoît Magimel a remporté pour la deuxième année d’affilée (du jamais-vu!) le César du meilleur acteur, avec «Pacifiction – Tourment sur les îles».
L’actrice franco-belge Virginie Efira a, elle, été sacrée du César de la meilleure actrice pour «Revoir Paris», d’Alice Winocour.
«L’Innocent», de Louis Garrel, qui était favori avec onze nominations, est le grand perdant de la soirée, avec un seul autre trophée, pour son scénario.
La star américaine Brad Pitt a fait une apparition surprise pour remettre un César d’honneur à l’un des cinéastes qui ont forgé son jeu (dans «Seven» ou «Fight Club»): David Fincher. Ce dernier a déclaré: «Je salue la culture du cinéma français, votre engagement pour un cinéma qui reflète ce que nous sommes de plus petit et de plus simple, et pas seulement nos aspirations héroïques quand on a enfilé des collants.»
Les César n’ont pas oublié l’Ukraine, évoquée par Louis Garrel (ce pays «vit une tragédie depuis un an maintenant à cause de cette guerre folle et criminelle»), ni l’Iran, par Golshifteh Farahani («choisissez ce régime ou nous, le peuple iranien»).
Une activiste pour le climat, soutenant le collectif Dernière Rénovation et arborant un t-shirt «We have 761 days left» (il nous reste 761 jours), a brièvement interrompu le début de la cérémonie, avant d’être sortie. Cette séquence n’a pas été diffusée sur Canal+, diffuseur des César.
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