Gastronomie suisseTrois Vaudois honorés lors du 1er Mérite culinaire suisse
Les chefs vaudois Frédy Girardet, Mathieu Bruno et Stéphane Décotterd ont reçu le foulard rouge du mérite lundi à Berne, des mains de Guy Parmelin.

On a un bien gourmand canton! Lundi à Berne, lors de la remise du 1er Mérite culinaire suisse, trois chefs de restaurants vaudois ont été récompensés, sur cinq lauréats. Mathieu Bruno (Là-Haut, Chardonne, 16 GaultMillau) et Stéphane Décotterd (Pont de Brent, Montreux, 2 étoiles Michelin) pourront désormais arborer le foulard de soie rouge à croix blanche et ajouter une plaque à l’entrée de leur restaurant. Quant à Frédy Girardet, il ajoute une énième médaille à son fabuleux parcours.
Les deux autres lauréats sont Bernadette Lisibach, cheffe du Neue Blumenau (16 GaultMillau, 1 étoile Michelin) à Lömmenschwil (SG), et Ale Mordasini, le jeune chef du Relais & Châteaux Krone (15 GaultMillau, Cuisinier d’or et Bocuse d’or en 2019) à Regensberg (ZH).
Frédy, le pionnier

Ému par cette distinction nationale, Frédy Girardet a salué l’initiative de «créer une sorte de poireau helvétique». Mais celui qui a ouvert la Suisse à la gastronomie, à l’Hôtel de Ville de Crissier, et qui reste le seul Suisse à avoir été sacré «cuisinier du siècle» (en France en 1989, aux côtés de Bocuse et Robuchon), insiste: «J’ai toujours fait ce métier astreignant avec une passion absolue, et la volonté de rendre mes clients heureux, sans rien attendre en retour.» Il commente cette nouvelle ère de chefs stars, lancée par Paul Bocuse: «Mon père était aussi bon, voire meilleur que moi, mais n’a jamais été reconnu. Aujourd’hui, l’audience de Top Chef est digne de celle d’un derby Young Boys-Bâle!»
Le goût des produits
Ce que «l’ancêtre», comme il se surnomme lui-même, déplore, c’est de ne plus retrouver le goût de sa carotte ou de sa tomate d’antan, quand les saveurs étaient «moins dopées par le commerce». Bien emprunté de commenter l’avis du grand chef, Stéphane Décotterd ose tout de même: «À l’époque, on mangeait des produits traités à outrance sans se poser de questions. On n’a jamais eu autant le souci de ce qu’on mange et de l’impact de cela sur notre santé et sur l’environnement.»

Le chef fribourgeois du Pont de Brent a renoncé en 2018 aux produits importés dans un but ultime de traçabilité. «Mais la traçabilité mondiale est là quand même», précise Mathieu Bruno. L’enfant de Montreux, revenu il y a trois ans dans sa région après des débuts salués dans le Jura (Le Paysan Horloger, Le Boéchet), avoue ne pas vouloir se passer d’un poisson de mer – comme Frédy Girardet rappelle en fermant les yeux l’émotion de sa découverte du fruit de la passion. «Mais pour les fruits et légumes, il faut au maximum se fournir ici, admet Mathieu Bruno. Les framboises d’Espagne, ça commence à me poser un problème, alors que ça ne me dérangeait pas il y a cinq ans.»

Et que représente ce Mérite culinaire suisse pour les deux jeunes cuisiniers? Découverte Gault&Millau 2015, Mathieu Bruno, chef au graphisme innovant et délicat, apprécie être «reconnu par des confrères et pas juste par un juge gastronomique qui ne vient qu’une fois». Cinquième au Bocuse d’or en 2009 et élève de Rabaey, Stéphane Décotterd salue quant à lui cette «reconnaissance fédérale d’un métier d’artisan». «Cela montre que trois ans d’apprentissage et un CFC ouvrent des possibilités incroyables!»
Enfin des ambassadeurs
C’est bien là l’idée du Mérite culinaire suisse, destiné à être reconduit chaque année, reconnaît son fondateur, Josef Zizyadis. «C’est un MOF (ndlr: meilleur ouvrier de France) à la suisse, humble et non clinquant, sourit-il. Il met en valeur la profession de cuisinier, emblématique d’un pays dont le patrimoine culinaire a une trop faible place sur le plan international!» Nicolas Bideau, directeur de Présence Suisse, abonde: «On a besoin de ce type de distinctions pour choisir nos ambassadeurs et parler de notre gastronomie.»
Président de GastroVaud, Gilles Meystre avoue avoir rêvé de «cette reconnaissance de l’expertise suisse». «On n’aura enfin plus besoin d’aller chercher un MOF dès qu’il faut un expert!» Dans dix ans, une cinquantaine de chefs suisses au moins porteront le foulard rouge, espère Josef Zisyadis.
Où sont les femmes?
Et des cheffes? «Le jury (ndlr: composé de deux cheffes sur six et d’une journaliste sur cinq) voulait une parité, mais seuls 10% des candidatures étaient des femmes», déplore l’organisateur. Cela pourrait changer. Mathieu Bruno indique recevoir de plus en plus de CV féminins. «Les mentalités ont évolué, ajoute Stéphane Décotterd. Et c’est une profession qui n’a jamais instauré de différences de salaires!»
Quant à la surreprésentativité vaudoise, Gilles Meystre l’explique par «l’héritage d’un Girardet. Mais aussi la situation idyllique de l’arc lémanique et son potentiel de clients en font le lieu idéal pour s’établir.» Ce n’est pas Franck Giovannini, lauréat d’office de par les statuts du Mérite, comme les cinq autres professionnels du jury, qui dira le contraire.
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