Trop énervante pour avoir droit au passeport suisse
Les citoyens d'une commune argovienne refusent la naturalisation d'une militante de la cause animale. Son cas est devant le Conseil d'Etat.

Nancy Holten est une figure bien connue en Argovie. Il y a deux ans, les médias alémaniques ont largement relayé l'engagement de cette végane néerlandaise contre les cloches de vaches: le tintement de l'accessoire nuirait au bien-être des ruminants, clame cette amie des animaux. Mais on ne s'attaque pas aux traditions helvétiques impunément, les citoyens de la commune de Gipf-Oberfrick, dans la campagne argovienne, le lui ont bien fait comprendre.
En novembre dernier, près de 200 habitants sur les quelque 260 réunis lors de l'assemblée communale ont rejeté sa demande de naturalisation. Un refus encore plus cinglant qu'il y a un an, lors de sa première tentative. Des citoyens l'avaient alors huée lors des débats. L'affaire est désormais devant le Conseil d'Etat, qui pourrait décider de lui donner directement le passeport.
Car sur le papier Nancy Holten a tout de la candidate idéale. Arrivée en Suisse il y a 34 ans, à l'âge de 8 ans, elle parle parfaitement le dialecte, subvient à ses besoins et ceux de ses trois filles, nées Suissesses. Mannequin, journaliste et aspirante actrice, elle n'a pas de poursuites ni de casier judiciaire. Convaincu de sa bonne intégration, l'Exécutif de Gipf-Oberfrick a donné un préavis positif à sa demande. Tout comme le Gouvernement argovien: saisi d'un recours après le premier refus, il a enjoint l'assemblée communale de revoter, indiquant qu'aucun motif ne s'opposait à sa naturalisation. Avec le résultat que l'on sait.
«Je sais que je m'en prends à des traditions. Mais je revendique ma liberté de penser et d'expression. Mes convictions n'ont rien à voir avec mon intégration»
«J'ai grandi ici. La Suisse est ma patrie. Je veux pouvoir voter dans ce pays», dit Nancy Holten en sirotant un smoothie à base de gazon cultivé chez elle, dans un petit appartement aux murs bleu pâle et rose. La Néerlandaise a laissé tomber la viande il y a dix ans, après s'être séparée de son mari. Et depuis cinq ans, elle s'engage pour la cause animale sur la place publique. C'est son combat contre les cloches de vaches qui a suscité une première vague d'hostilité à son égard. Ce qui ne l'a pas empêchée par la suite de condamner la chasse ou les courses traditionnelles de porcelets. Et puis, le bruit des cloches d'église tôt le matin est aussi dans son viseur, ce qui lui vaut le surnom de Glockengegnerin, l'anti-cloches.
«Je sais que je m'attaque à des traditions qui, dans une commune rurale, sont très importantes. Mais je revendique ma liberté de penser différemment et de l'exprimer. Mes convictions n'ont rien à voir avec mon intégration. Mes actions énervent beaucoup de monde, mais je ne veux pas me taire, ce n'est pas dans ma personnalité.»
Malgré les conseils des autorités communales, de ses amis et de sa famille, Nancy Holten s'est refusée à faire profil bas le temps de sa procédure de naturalisation. En novembre dernier, quelques jours avant de se présenter devant les citoyens pour la deuxième fois, elle dénonçait le port de fourrures animales en posant dans Blick am Abend avec son chat Crystal dans les bras, masquant son buste dévêtu. Une provocation de plus, selon ses détracteurs.
«Une grande gueule»
«Nancy Holten a une grande gueule, tout ce qui l'intéresse est qu'on parle d'elle, fustige Tanja Suter, présidente de l'UDC locale. Il y a aussi des Suisses qui luttent pour la cause animale, mais pour avoir droit au passeport, il faut faire preuve de bonne volonté. Nous ne voulons pas lui donner ce cadeau si elle nous embête et ne respecte pas nos traditions.»
Nancy Holten avoue se servir de l'intérêt médiatique à son égard pour défendre ce en quoi elle croit, et n'y voit pas de problème. Les habitants de Gipf-Oberfrick n'ont pas fini d'entendre parler d'elle. Elle prépare en ce moment un livre sur son engagement. Titre de travail: «Celle qui énerve». Elle envisage aussi de se lancer en politique.
La Néerlandaise attend avec impatience la décision du Conseil d'Etat et espère que celui-ci décidera de lui octroyer lui-même le passeport convoité. Elle ne se fait pas d'illusion, si son cas retourne devant l'assemblée communale: sa demande sera encore une fois balayée. «Il faudra alors peut-être que je déménage dans la commune voisine, où c'est l'Exécutif qui décide directement de la naturalisation.»
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.