Livre de référenceUn atlas du théâtre romand en format de poche
Le spécialiste Joël Aguet vient de publier une petite mine d’informations précieuses sur la vie théâtrale de la région, des premières scènes aux fermetures dues au Covid.

Dans le milieu académique qui gravite autour des arts de la scène, personne n’ignore son nom. Ni, surtout, ses apports historiographiques, puisque Joël Aguet, au gré de ses écrits, s’est incontestablement imposé comme l’encyclopédie vivante du théâtre romand, du XVIe siècle à nos jours. À la moindre lacune, au moindre doute, c’est vers ce puits de science que l’on se tournera.
En 2005, après huit ans de gestation, l’universitaire vaudois, anciennement comédien puis dramaturge, accouchait avec Simone Gojan et Pierre Lepori du premier «Dictionnaire du théâtre en Suisse». Dix ans plus tard, il alimentait l’«Histoire de la littérature en Suisse romande» de tout ce que le pays a jamais compté d’auteurs dramatiques. Et voici que, cet automne, l’insatiable érudit sort une «Histoire du théâtre en Suisse romande» d’à peine 200 pages, qui précise et synthétise les résultats de ses recherches jusqu’ici.
Mieux qu’internet
Depuis l’avènement d’internet, il fallait se contenter de glaner des renseignements en ligne. Si on voulait connaître les origines d’une institution, on allait cliquer sur son site. Si on s’interrogeait sur le profil d’un défunt metteur en scène, on portait ses espoirs sur les ressources de Wikipédia. Ces informations, et bien d’autres, dans un périmètre clairement défini, sont aujourd’hui rassemblées en un volume de poche, aussi facile à lire d’un bout à l’autre qu’à consulter ponctuellement.
Articulé en huit chapitres subdivisés et ponctués d’images, le livre offre en effet de nombreux repères, qui prennent tout leur sens une fois assimilée la contextualisation du champ d’étude dans la première partie. Selon un double axe chronologique et géographique, l’auteur conduit ensuite son lecteur sur les lacets qui vont des bardes actifs «entre les Alpes et le Jura» au début de notre ère jusqu’aux politiques de subventionnement des arts vivants renforcées lors de la récente pandémie.
Un essor continu
En se concentrant sur le sort du théâtre à Genève (qui se confond sans surprise avec un essor), on a tôt fait de comprendre que ses enjeux actuels ont commencé à se nouer il y a plus de trois siècles. Constructions, démolitions ou déménagements de salles de spectacle plus ou moins volumineuses ont notamment émaillé la vie culturelle, politique et économique locale depuis le milieu du XVIIIe siècle.
Du cercle de Voltaire aux auteurs contemporains, l’écriture dramatique n’a cessé de solliciter les plumes du cru. Idem chez les comédiens, dont la saga s’est enrichie depuis le séjour de Georges Pitoëff et a culminé dans la période d’après-guerre avec des François Simon, Philippe Mentha ou Michel Cassagne. Pareil avec la mise en scène, qu’illustreront successivement Giorgio Strehler et Benno Besson puis François Rochaix ou Matthias Langhoff. Il s’agit ici moins d’aligner des noms que de déployer un réseau d’influences à la fois spécifique et cohérent.
De même, bien des débats qui agitent aujourd’hui le bout du lac en matière d’art scénique prolongent ceux qui animaient déjà la société du début du XXe siècle: la polarisation entre théâtre commercial et drames dits «sérieux» avait ses camps parmi les habitués respectivement du Casino-Théâtre et de la Comédie; l’importance croissante accordée alors aux metteurs en scène cause des remous comparables à celle attribuée aujourd’hui à l’expérimentation de plateau… Rien de tel qu’un petit manuel d’histoire, bref, pour voir venir demain.

«Histoire du théâtre en Suisse romande» de Joël Aguet, collection Savoir suisse, Éd. Presses polytechniques et universitaires romandes, 200 p.
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