Sorties livres, BD Un chat qui vole dans les plumes de ceux qui ronronnent (et vice versa)
Que des curiosités pour égayer ce week-end pascal! Prenez par exemple deux esprits vigousses dont le matou Jean-Blaise se prend pour un oiseau. Ca donne des ailes.

Jeunesse La Fontaine avait imaginé la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Emilie Boré, chroniqueuse culturelle, et Vincent, caricaturiste, tous deux à Vigousse, se croquent un chat qui se prenait pour un oiseau. Même esprit de comédie dans leur fable et pareille intelligence qui sous la comédie, fustige le cortège d’apparences et de conventions auxquelles les adultes obéissent un peu vite.

Prenez Jean-Blaise, gros yeux verts, pelage anthracite, petit nez rose et vibrisses félines… et pourtant le matou aimerait chanter avec la spontanéité d’un pinson, pontifier dans les parcs comme un hibou. Chat, oiseau? Fille, garçon? A l’heure où les questions de genre embarrassent, Jean-Blaise consulte un psy et rugit de plaisir quand le sage homme lui enseigne la devise du pays de Comonveut. A méditer dès 5 ans. CLE
«Jean-Blaise»
Émilie Boré et Vincent
Éd. La joie de lire, 72 p.
«Le retour de Bouddha», voyage en Mongolie

Roman Il y a quelque chose de fascinant dans les romans des débuts de l’ère soviétique. Ces textes témoignent d’une époque où le stalinisme n’a pas encore figé le régime, où des interrogations subsistent et où la critique est encore possible même si souvent instillée avec un art consommé de l’ellipse et de l’absurde. «Le retour de Bouddha» (1923) de Vsevolod Ivanov (1895-1963) fait incontestablement partie de ce corpus en narrant le périple ferroviaire saugrenu d’un professeur chargé par les Bolcheviques de la restitution d’une statue de Bouddha à la Mongolie.

De ce voyage sibérien dans des confins encore déchirés par la guerre civile, l’écrivain tire une sorte d’allégorie grinçante, empennée de spiritualité à l’ironie flottante. Un récit qui annonce peut-être le chef-d’œuvre d’Andreï Platonov, «Tchevengour». BSE
«Le Retour de Bouddha»
Vsevolod Ivanov
Éd. Noir sur Blanc, 128 p.
«La grande aventure du livre», tout savoir sans oser le demander

Média Tout savoir sur l’édition sans jamais avoir osé le demander. Stéphanie Vernet, à qui le mystère des pyramides et autre pharaons n’avait pas plus résisté, furète dans les coulisses du livre. De la reliure suisse – celle qui laisse les coutures apparentes, au choix d’un titre, d’un éditeur, d’une maison de distribution etc., les rouages de cette industrie se détaillent avec une verve ludique engageante. De quoi pour la maison d’édition pour enfants Dada fêter ses 30 ans avec faste.
Ainsi, ces défricheurs de pages artistiques mais compréhensibles, érudites mais rigolotes, pourront se convaincre d’avoir sorti un best-seller (dès 20’000 exemplaires), espérer le voir figurer dans une des 4000 bibliothèques de France parmi les 7 millions de livres qu’elles commandent chaque année, ou même le donner pour bercer les lecteurs comme ces élus qui peuvent dormir à la librairie anglaise Shakespeare and Co à Paris parmi les piles. Précision, dans cette enseigne originale, il faut prouver sa qualité d’écrivain ou du moins, d’artiste pour espérer un lit. CLE
«La grande aventure du livre»
Stéphanie Vernet
Ed. Dada, 52 p.
«La fin des choses», le doigt, la main, les horizons

Essai Voici une réflexion profondément mélancolique sur le monde contemporain. Byung-Chul Han prend des accents élégiaques pour déplorer la disparition des choses, c’est-à-dire «le code de l’ordre terrien», dans la volatilité envahissante de l’ordre numérique. Au passage, il pointe l’ironie d’un paradoxe: après des siècles de critique d’une société de l’avoir à laquelle on opposait celle de l’être, la proposition se serait enfin renversée mais pas pour le meilleur. «Je suis d’autant plus que je fais des expériences.»
La propriété est désormais supplantée par une logique de l’accès qui «risque de produire un nouveau type d’être humains». Parcourant les exemples avec concision, l’Allemand d’origine coréenne parcourt notre nouvel horizon dévasté, sans plus rien à tenir, où le doigt aurait remplacé la main. BSE
«La fin des choses»
Byung-Chul Han
Éd. Actes Sud, 144 p.
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