Un homme orchestre au service de l'innovation
Ingénieur, entrepreneur et auteur de bandes dessinées, le directeur du Campus Biotech déploie sa créativité pour booster les start-up.

«Certains font du sport, d'autres du golf. Mon hobby, c'est de soutenir l'innovation et l'entrepreneuriat.» Chez certaines personnes, la passion d'un métier ne s'éteint pas à la sortie du bureau. Benoît Dubuis est un exemple extrême. A Genève, il est depuis 2013 le directeur du Campus Biotech, qui fait converger en un seul lieu équipes de recherche et industries du secteur biotechnologique. Ce qui était auparavant le siège de Merck Serono aurait pu rester un trou noir après le départ de la société, une véritable onde de choc qui a soufflé plus d'un millier d'emplois en 2012.
«Au début, il n'y avait pas d'électricité, pas d'Internet et des locaux vides! Aujourd'hui, Campus Biotech compte plus de 1000 personnes.» Le projet était ambitieux, les résultats attendus, mais chez Benoît Dubuis, c'est le point de départ qui suscite l'excitation, plus que la ligne d'arrivée. De quoi expliquer le curieux choix de hobby de cet ingénieur chimiste de formation? Dans son temps libre, Benoît Dubuis est le créateur et le chef d'orchestre d'une fondation à but non lucratif, Inartis, dont le but est justement de soutenir le démarrage de start-up innovantes. «Je suis fasciné par le génie humain. Il y a des gens créatifs partout, mais ils n'ont pas toujours l'environnement pour développer leurs idées.»
Cet environnement, c'est à Renens qu'il l'a fait naître, dans les anciens locaux des Imprimeries Réunies de Lausanne, disparues en 2015. Inartis a créé une véritable ruche où bourdonnent les micro-entreprises actives dans des domaines allant de la biotechnologie au design de coucous suisses, en passant par les robots pédagogiques. Parmi les projets emblématiques de ce générateur d'innovation, l'accélérateur de start-up MassChallenge connaît en ce moment sa 2e édition et dévoilera en novembre les meilleures jeunes pousses parmi une septantaine de participants.
Si la fondation occupe aujourd'hui sept personnes, son président, lui, est bénévole et pilote la structure depuis son bureau, un savant mélange entre l'espace de coworking, le magasin d'antiquaire, la galerie d'art et le labo scientifique. «C'est mon humus. Je suis un conservateur dans le sens où je garde toutes sortes d'objets. Ils m'inspirent.» Pour parler de son parcours, Benoît Dubuis reçoit tôt le matin, avec café et croissants, dans cet antre où il assure passer de nombreux week-ends.
Dans les pièces en enfilade, on admire certaines de ses peintures accrochées au mur, de vieilles cartes ou encore une pièce du mécanisme interne d'un orgue, instrument dont il joue à ses heures perdues. Au centre du hall, le visiteur distrait manque de trébucher sur deux maquettes en plâtre qui reproduisent, pour l'une, le centre de Lausanne, et pour l'autre, les environs du Palais fédéral, à Berne. Natif de Savièse, Benoît Dubuis a gagné la capitale vaudoise pour ses études. La première des deux maquettes est un souvenir de cette époque. «J'aime faire des choses avec mes mains. Quand je suis arrivé à Lausanne, c'était une manière de m'imprégner de cette ville.»
«L'homme aux mille projets»
Diplômé de l'EPFL, il poursuit avec un doctorat à l'Ecole polytechnique de Zurich. De sa thèse, il n'a pu s'empêcher de conserver une relique, une imposante machine en acier inox, qui trône au beau milieu de la salle de réunion. «C'est un réacteur biologique utilisé pour la culture cellulaire», tente-t-il d'expliquer en déployant des trésors de pédagogie. On apprend que le développement de tels prototypes a fait de lui, un temps, l'un des spécialistes de l'armée suisse dans le domaine des armes bactériologiques. «C'était pendant la première guerre du Golfe et on suspectait l'Irak d'utiliser ces technologies pour fabriquer des armes biologiques, ce qui m'a valu une incorporation à l'Institut de Sécurité Militaire de l'ETH», raconte-t-il, comme s'il s'agissait d'une autre vie. Il rejoint ensuite la pharma bâloise, chez Ciba-Geigy puis chez Lonza, où il développe son réseau tout en ancrant sa passion pour un domaine en plein développement: les biotechnologies.
Aujourd'hui, Benoît Dubuis passe pour un homme qui a une vision, voire même une mission: contribuer à faire de la Suisse romande un pôle dans le domaine des sciences de la vie et de la santé. «C'est l'homme aux mille projets. Beaucoup de gens multiplient les idées, mais il compte parmi ceux qui les réalisent et font avancer la région», commente Thierry Mauvernay, président exécutif du groupe pharmaceutique lausannois Debiopharm. L'ambition de Benoît Dubuis porte un nom: la Health Valley, qui est à la pharma, aux technologies médicales et à la santé ce que la Silicon Valley est aux technologies de l'information. Benoît Dubuis a apporté plus d'une pierre à l'édifice, notamment en devenant, en 2000, le premier doyen d'une toute nouvelle Faculté des sciences de la vie de l'EPFL, sous l'égide de Patrick Aebischer.
Pour cet entrepreneur dans l'âme, la parenthèse académique est de courte durée. En 2003 déjà, il s'en va poser d'autres jalons, en créant à Genève l'incubateur Eclosion, destiné à soutenir les entrepreneurs actifs dans les sciences de la vie. Partir à l'aventure, quand on est père de trois jeunes enfants, était-ce bien raisonnable? «Je suis trop impatient pour être chercheur! Ce qui m'intéressait avec la Faculté des sciences de la vie, c'était de lancer la machine, de rassembler des cerveaux, de contribuer à mettre en place une culture de l'interdisciplinarité.» Non sans une pointe de satisfaction, il concède: «Même parmi mes proches, des gens m'ont traité de fou. A l'EPFL, j'avais une visibilité, un salaire, une stabilité… A Eclosion, tout restait à faire! A l'époque, nous n'avions encore ni argent ni soutien.»
«Je connais peu de gens qui consacrent autant d'énergie à développer l'innovation, dit de lui Jesus Martin-Garcia, avec qui il a cofondé, puis dirigé Eclosion pendant près de dix ans. Il y a chez lui à la fois la rigueur scientifique, mais aussi une énorme créativité.» Pour œuvrer au service de la Health Valley, Benoît Dubuis a, il est vrai, d'autres cordes à son arc que les écosystèmes, les incubateurs et les accélérateurs. Et certaines sont inattendues. Passionné de bande dessinée, il est l'auteur d'une série de trois albums dont l'intrigue tourne autour d'une famille d'entrepreneurs dans le domaine pharmaceutique. Le scénario est aussi efficace pour tenir le lecteur en haleine que pour lui vanter les mérites de l'arc lémanique. «Aujourd'hui, les gens ne lisent plus. La bande dessinée m'a paru un bon moyen pour atteindre un large public. On ne s'y attendait pas, mais le premier tome a été distribué à 18 000 exemplaires!»
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