Stefan Kaegi à VidyUn robot, deux pieuvres et 300 ouvriers
Artisan d’un théâtre immersif et ludique, le metteur en scène invite à déambuler dans sa «Société en chantier».

«Vidy? C’estle meilleur théâtre de Suisse!» Stefan Kaegi le dit sur un ton badin mais n’en pense pas moins: «Je viens du monde germanophone, où les structures sont des Stadttheater, ces théâtres qui ont une troupe permanente. Vidy m’a offert une flexibilité en termes esthétiques et m’a permis de créer des spectacles sans acteurs, ou encore avec des robots ou des animaux sur scène.»

Aux quatre coins du théâtre lausannois, le metteur en scène et son collectif Rimini Protokoll ont invoqué les défunts dans «Nachlass – Pièce sans personnes», donné vie à un être cybernétique dans «La Vallée de l’étrange» et mis en scène deux pieuvres dans «Temple du présent – Solo pour Octopus».
Jeu de rôle
Rien ne bride Stefan Kaegi. Pas même une pandémie. En plein semi-confinement, alors que partout les rideaux sont baissés, il a fait de Vidy un spectacle. Il raconte: «J’ai passé beaucoup de temps à Lausanne pendant cette période, et j’ai obtenu les clés du théâtre. Je me suis baladé dans les couloirs abandonnés, et cette absence de plénitude m’a fait un choc.» Il crée «Boîte noire», déambulation fantasmagorique dans les entrailles de Vidy.
«Nous vivions un moment où il y avait un manque d’espace public. Or, les artistes sont là pour inventer des dispositifs destinés à être ensemble. On s’est dit: «Bon, on va essayer d’inventer quelque chose, en restant dans le cadre légal.» Les spectatrices et spectateurs circulaient donc un à un dans le théâtre désert… mais habité de ses fantômes.
«Traditionnellement, le public s’assoit, les lumières s’éteignent et la salle est plongée dans le silence. Là, on réussit à remplir presque la jauge d’une salle, mais les gens se déplacent, agissent.»
Rêveur dans «Boîte noire», le public sera mis à contribution dans «Société en chantier». Ce jeu de rôle brièvement présenté à Beaulieu pendant la pandémie, dans une jauge réduite, se déploiera pleinement en février dans la salle 64 Charles Apothéloz (1er-11 fév.). Les règles du jeu? Casque de chantier vissé sur la tête, 300 personnes muées en ouvrières et ouvriers fourmillent dans différents espaces déclinant les enjeux de la construction: travail au noir, corruption, écologie, partenariats public-privé.
«J’ai voulu proposer au public d’expérimenter l’agitation spatiale d’un chantier», souligne Stefan Kaegi. Au-delà de l’expérience ludique, les questions de la représentation et de la place du spectateur sont centrales dans son travail: «Traditionnellement, le public s’assoit, les lumières s’éteignent et la salle est plongée dans le silence. Là, on réussit à remplir presque la jauge d’une salle, mais les gens se déplacent, agissent. Cela décentralise le théâtre.»
Cet article a été publié dans le supplément réalisé en collaboration avec le Service de la culture de la Ville de Lausanne, paru le 14 janvier.
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