Littérature numériqueUn site cartographie l’archipel saisissant d’Italo Calvino
L’œuvre de l’écrivain affiche tous ses traits sur la Toile grâce au long travail d’une équipe de l’Université de Genève.

Le voyage littéraire dont il est ici question débute en 1943, avec quelques écrits timides qu’on pourrait considérer comme autant de préludes à une première œuvre consistante: «Le Sentier des nids d’araignées». Le périple se prolonge quarante-deux ans durant et à l’arrivée, 200 textes plus loin, une boucle s’achève avec la dernière signature d’Italo Calvino, posée sur «Un Roi à l’écoute», texte qui charpente une pièce musicale de Luciano Berio. Entre ses deux extrémités, le corpus de l’écrivain italien ressemble à un archipel saisissant où on croise des atolls et des îlots de toutes sortes. Les plus populaires sont connus sous nos latitudes aussi: la trilogie formée par «Le Vicomte pourfendu», «Le Baron perché» et «Le Chevalier inexistant» demeure aujourd’hui encore une borne lumineuse.
Le bonheur de s’y perdre
Pour peu que vous soyez familiers de l’auteur et que vous maîtrisiez la langue de Dante, vous devriez plonger dans la vaste recherche que rend publique ces jours-ci une équipe de chercheurs du Département des langues et littératures romanes (facultés des Lettres) de l’Université de Genève. Piloté par la professeure Francesca Serra, le collectif a œuvré sur un terrain résolument novateur, dont on retrouve les reliefs dans un site web saisissant. Son nom? En soi tout un programme: «Atlante Calvino» (Atlas Calvino). En l’approchant, on est saisi à la fois par l’extrême élégance et la sobriété du graphisme – réalisé par le Polytechnique de Milan – et par l’opulence ahurissante d’éléments répertoriés.
Plus concrètement, en suivant une cartographie aisée, on chemine à travers trois thématiques fortes qui traversent de bout en bout l’univers de l’écrivain, à savoir le doute, l’espace et la forme. Autant d’étapes qu’on peut scruter de près en s’armant du curseur pour naviguer parmi les données les plus affinées qui soient. L’atlas présente par exemple des groupes d’ouvrages aux analogies solides. Il illustre ailleurs l’évolution de la création des textes ou encore l’itinéraire de chaque trame narrative, sa phylogenèse et son destin éditorial. Dans les marges, des notes aident le navigant à saisir de quoi il est question dans telle section; elles guident aussi la lecture parfois complexe des graphiques. Mais pour vivre au mieux l’expérience qu’offre le site, rien ne vaut une visite intuitive, en se perdant avec bonheur et en retrouvant plus tard son chemin.
«Ce vaste projet, financé par le Fonds national suisse, nous a occupés durant trois ans, note dans son bureau Francesca Serra. Il concrétise des aspirations multiples, qui visent à faire cohabiter littérature et sciences, d’une part, et à présenter d’autre part un travail d’une grande rigueur scientifique mais accessible au plus grand nombre.» Sans boussole ni sextant, cette navigation nous rappelle encore la richesse de l’archipel Calvino.
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