Le constat est accablant: selon la récente étude publiée par Caritas, 735’000 personnes, soit une personne sur six en Suisse, vivent dans la pauvreté ou sont menacées d’y tomber. La précarité, aggravée par la crise sanitaire, existait bien avant celle-ci, et Caritas nous en rappelle les causes: logements trop chers, primes d’assurance maladie ruineuses, salaires trop bas, permis de séjour et conditions de travail instables ainsi que des offres d’accueil extrafamilial inadaptées. Beaucoup de ces personnes, majoritairement des femmes et des travailleurs migrants, ne font par ailleurs pas valoir leurs droits aux prestations sociales.
«La précarité interdit ce minimum d’espérance en l’avenir qu’il faut avoir pour tenter d’améliorer le présent.»
La Haute École de travail social et de la santé Lausanne (HETSL) a produit, quant à elle, de nombreuses recherches courant 2021, qui confirment l’existence d’un véritable archipel des précarités dans le canton de Vaud. Avec des partenaires de terrain aussi divers que la Ville de Vevey et la Plateforme Précarité Riviera, le Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers, la Pastorale de rue et le Service Enfance-Cohésion sociale de Renens, le Sleep-In, le CSP et Caritas, l’Association 1951 pour l’intégration socioprofessionnelle des réfugiés ou encore la Chaîne du Bonheur, les chercheuses et chercheurs de la HETSL ont été au front de la pandémie, pour en mesurer les conséquences sociales, mais aussi pour observer les dynamiques sociales et politiques qui sont à l’origine de cette vulnérabilité répandue.
Au-delà de la diversité des constats et des populations étudiées, il en ressort que la précarité ne se limite pas aux effets les plus visibles pour les personnes les plus violemment touchées. Comme le disait le sociologue Pierre Bourdieu: en instituant un état permanent d’insécurité, la précarité interdit ce minimum d’espérance en l’avenir qu’il faut avoir pour tenter d’améliorer le présent.
Dans ce contexte, la grève des livreuses et livreurs de Smood, tenue pendant plusieurs semaines dans des villes de Suisse romande, a contribué à mettre en lumière l’individualisation que la précarisation impose. Elle a donné une voix à une revendication aussi simple que légitime: le droit de toucher un salaire qui permette de vivre sans se livrer à une guerre fratricide pour obtenir des courses…
Un observatoire des précarités
Le premier pas pour lutter contre la précarité, c’est de la comprendre. C’est pourquoi Caritas a accompagné son étude d’une demande de monitoring systématique de la précarité, afin d’en suivre l’évolution. D’autres organisations l’ont fait ces derniers mois.
Pour y répondre, la HETSL a décidé de réunir ses compétences et les expertises de terrain des institutions et associations vaudoises au sein d’un observatoire des précarités qui verra le jour au printemps 2022. Il visera non seulement à documenter les phénomènes de précarité, mais aussi à soutenir les organisations dans la définition des actions à entreprendre. Et il sera un espace où les publics concernés auront leur mot à dire.
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L’invité – Un vrai archipel des précarités dans le canton de Vaud
Alessandro Pelizzari rappelle qu’un trop grand nombre de personnes connaissent la pauvreté.