ThéâtreUn «Zoophile» aux pieds plantés dans la terre
A Vidy, Jean-Yves Ruf donne de la voix, mais un peu trop d'accents, au monologue subtilement ciselé par Antoine Jaccoud. Critique.

L'adieu aux bêtes d'Antoine Jaccoud, publié aux éditions d'autre part, est un sensible plaidoyer contre un monde sans animaux. Un texte d'anticipation finement ciselé entre renoncement assumé et appel au pardon. Présenté jusqu'à mercredi à Vidy sous le titre Le Zoophile – mis en espace avec minimalisme par Emilie Charriot et par le comédien Jean-Yves Ruf –, ce monologue prend la forme d'une profonde lamentation réaliste plus que larmoyante qui, en moins d'une heure, questionne notre rapport au règne animal. Et raconte comment «14'000 années d'amitié, entre jeu et labeur» se sont déliquéfiées dans notre modernité. Idéologique, philosophique, voire économique ou hygiénique. Au gré, aussi, de maltraitance ou de surconsommation. «Est-ce la raison pour couper tous les liens? Est-ce bien cela que nous voulons?» se demande l'auteur. Que restera-t-il, d'ailleurs, de l'homme s'il refuse sa dépendance ancestrale aux animaux – qui comblent sa solitude, le nourrissent ou lui rappellent sa nature animale?
Contrairement à ce que le titre laisse supposer, aucune transgression dans le propos. Ni provocation ou facilités liées aux débats que soulève notre époque légaliste, véganiste ou antispéciste. Sur scène, les yeux dans les yeux avec le spectateur – une bête, lui aussi –, un homme robuste autant que rustique confie son amour des bêtes, celui que «chez nous, on avait dans le sang». A ses côtés un âne. Vivant et croupe tournée. Malgré l'amour qui se déclame, c'est sûr, la rupture est consommée. A moins qu'un geste libérateur ne vienne renouer la relation.
De la ligne de fracture qui partage le monde dès que l'on parle d'animaux, ce zoophile n'en dessine finalement que peu de contours. Sans doute parce que Jean-Yves Ruf incarne un personnage qui garde les pieds surtout ancrés dans le terroir, aux accents paysans parfois trop chantants, le discours en perd un peu ses échos. Mais la sincérité du comédien et l'économie de moyens déployée par la jeune Emilie Charriot – toujours brillante et pertinente quand elle joue la carte de la subtilité esthétique, elle l'avait déjà prouvé avec King Kong Théorie d'après Despentes – suffisent à révéler toute la puissance du texte du Vaudois. Le public n'en sort, d'ailleurs, pas indemne.
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