Une affaire de transmission du sida n'en finit pas d'embarrasser la justice
Le Tribunal correctionnel de Lausanne contraint de rejuger depuis jeudi un sidéen qui avait été acquitté un peu trop vite en raison de la nouvelle loi.

«C'est la cinquième fois qu'un tribunal se réunit pour vous juger!», lance le procureur Laurent Contat à Jonas*, Mauricien trentenaire au regard absent, jeans et baskets blanches. Le magistrat n'était pas le seul jeudi à espérer que ce soit le dernier round. Rien n'est moins sûr, même si l'intéressé, en situation illégale, est censé être renvoyé dans son pays le 18 octobre.
Michèle*, la jeune Vaudoise qui accuse son ex-époux sidéen de lui avoir transmis le VIH il y a maintenant cinq ans, voudrait elle aussi tourner la page. Façon de parler. La trithérapie à vie jalonne son quotidien de nausées et de vertiges. Et si l'enfant qu'elle a eu depuis est en bonne santé, rien ne garantit que les prochains qu'elle espère seront sains.
Au fil du temps, une seconde plaignante, qui fut compagne de Jonas après son divorce d'avec Michèle, a porté plainte après avoir découvert par hasard qu'il était infecté.
L'affaire n'est pas simple. Elle se caractérise tant par son aspect juridique que médical hors du commun. Jonas aurait dû être jugé au printemps 2015. Il n'était pas venu à son procès. Et il était aussi absent à la reprise, l'année suivante. Or entre-temps, le Code pénal avait changé. Depuis janvier 2016, n'est punissable que celui qui a, «par bassesse de caractère», propagé une maladie de l'homme dangereuse. Notion plus morale que juridique, la «bassesse de caractère», implique selon les juristes que l'intéressé a agi «par haine ou par vengeance». La simple négligence n'est désormais plus punissable.
Faute d'éléments pouvant démontrer une quelconque «bassesse de caractère» du prévenu jugé par défaut, le tribunal l'avait acquitté en mai 2016.
Michèle a fait appel. Elle a obtenu que le dossier soit rouvert, cette fois sous l'angle des lésions corporelles. Une nouvelle audience en correctionnelle a donc eu lieu en mai dernier… pour être suspendue afin d'éclaircir la situation médicale de la seconde plaignante. Cette dernière avait eu la chance d'échapper à la transmission du VIH, mais souffrant d'hépatite, il s'agissait de savoir si elle avait hérité de celle de Jonas.
Pour le procureur, il ne fait aucun doute que l'accusé devait savoir qu'il était contaminé lorsqu'il a épousé Michèle. D'abord en raison de ses mœurs bisexuelles sur l'île Maurice. Ensuite parce que, donneur de sang dans son pays, il avait été contacté par l'hôpital après un don et n'y avait pas donné suite. Enfin, parce qu'il s'est fait ensuite traiter au CHUV pour un zona facial qu'on sait pouvoir être considéré comme un symptôme d'infection. Cela suffit, aux yeux du Ministère public, pour retenir, sinon la bassesse, à tout le moins les lésions corporelles simples par négligence, en raison de ce qu'endure son ex-épouse.
Jonas s'en est tiré cette fois parce qu'il soutient avoir découvert avec stupéfaction sa contamination lors de sa consultation pour son zona et non avant. Un système de défense qui ne vaut rien pour le cas de sa compagne ultérieure. «Il se savait alors atteint à la fois du virus VIH et de celui de l'hépatite C et il a entretenu des rapports non protégés», observe le procureur pour considérer qu'ici il y a bien la «bassesse de caractère» nécessaire pour retenir la contamination, à tout le moins au stade de la tentative. Il est en effet apparu que la seconde plaignante était infectée d'une souche d'hépatite différente. Une «bassesse de caractère» que conteste vivement la défense. Elle soutient que si Jonas n'a pas révélé sa séropositivité, c'était par craindre de perdre sa compagne.
Laurent Contat a requis 1 an de prison, dont 6 mois ferme. Verdict vendredi.
*Prénoms fictifs
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