Coup de théâtreUne Annemassienne reprend les rênes de la Comédie
Le secret a fuité: la metteuse en scène franco-suisse Séverine Chavrier a été nommée à la direction de l’institution.

Fin du suspense qui maintenait en haleine le landerneau théâtral genevois. L’information devait être divulguée lundi prochain lors d’une conférence de presse, elle a été court-circuitée par la RTS cette fin d’après-midi. Séverine Chavrier, patronne depuis 2017 du Centre dramatique national d’Orléans-Val de Loire (CDNO), prendra la tête de l’institution théâtrale phare de Genève, dont elle assurera la programmation dès 2024. Ainsi en a décidé la Fondation d’art dramatique, qui place régulièrement des artistes, plutôt que des administrateurs, aux manettes des deux théâtres qu’elle chapeaute à Genève, Le Poche et la Comédie.
La nouvelle crée la surprise. En effet, le nom de la future timonière ne figurait pas dans la liste des papables que tout le monde avait à la bouche: Olivier Py, qui vient de clore son dernier mandat au Festival d’Avignon et dont il semblerait que la candidature ait été écartée au début de la procédure de sélection, le «dirlo» du Poche Mathieu Bertholet, l’ancienne codirectrice du Théâtre du Grütli Maya Bösch, ou encore Denis Maillefer, dont le binôme qu’il forme à la tête de la Comédie avec Natacha Koutchoumov vole en éclats à la suite du départ annoncé de cette dernière…
On peut espérer que l’identité de la nominée dissipe quelques craintes. Car la metteuse en scène née en 1974 à Lyon, loin d’être catapultée au bout du lac, connaît intimement notre région. Pour avoir grandi à Annemasse, d’abord, et obtenu une médaille d’or au Conservatoire de Genève, où elle a été diplômée en piano et en analyse musicale avant d’aller étudier le théâtre au Cours Florent à Paris. Pour avoir, ensuite, présenté deux de ses créations à Vidy-Lausanne en 2014 et 2016. Et enfin, pour programmer au CDNO les mêmes artistes résolument contemporains que défendent nos institutions romandes, dont l’actuelle Comédie. On pense notamment à Milo Rau, Christoph Marthaler, Romeo Castellucci, Jonathan Capdevielle, Rébecca Chaillon, Tiago Rodrigues ou Vimala Pons, qui vient récemment de galvaniser le Théâtre de Carouge en ouverture du dernier La Bâtie-Festival de Genève.
Par rapport à nos contrées artistiques, donc, Séverine Chavrier n’est pas non plus une étrangère. La metteuse en scène et musicienne, par ailleurs formée en lettres et en philosophie ainsi qu’aux arts circassiens, a d’ailleurs monté des auteurs bien connus du public genevois, tels que l’Israélien Hanokh Levin ou l’Autrichien Thomas Bernhard. À Orléans, sa programmation favorisait, comme celle de la Comédie, les échanges entre les arts vivants ainsi que les formes hybrides mêlant théâtre, danse, musique et cirque. Sans dédaigner un certain souffle féministe.
Aussi, pour autant qu’on puisse en juger avant de l’entendre énoncer son projet spécifique en conférence de presse lundi, on peut d’ores et déjà se réjouir du vent de fraîcheur qui pourrait se lever sur les bords du Léman. Maintenant que les mailles du réseau local ont été efficacement tissées par NKDM (Natacha Koutchoumov et Denis Maillefer) et leurs confrères (consœurs), n’est-il pas temps de les étendre un peu en y accueillant des cousins (cousines)?
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