À l’Arsenic à Lausanne«Une bonne histoire», c’est sous le tapis que ça se passe
La mise en scène du réel n’est pas un mythe. Adina Secretan en témoigne dans une pièce qui relate l’infiltration d’Attac par des agentes de sécurité mandatées par Nestlé.

Hésitante, elle parle lentement en cherchant ses mots, revenant difficilement d’un état de grande sidération. Émergeant d’un brouillard fumigène comme si elle découvrait peu à peu les contours de la vérité, Claire Forclaz interprète l’une des auteures de «Attac contre l’empire Nestlé».
Cet ouvrage a paru en 2004, est aussi signé par une certaine Sara Meylan qui disparaîtra complètement après avoir participé à sa rédaction. Elle se révélera être une «taupe» au brillant talent théâtral. Militante sur scène comme dans le réel, Adina Secretan parvient à porter sur scène une affaire complexe qui fâche encore aujourd’hui par son déni de démocratie. Elle la simplifie en la réduisant à deux voix – Joëlle Fontannaz, Claire Forclaz.
«Cette «bonne histoire», c’est aussi la Suisse dans toute sa splendeur, où ça grenouille sous le tapis. »
Le cinéaste Lionel Baier, qui a suivi ponctuellement le processus de création, commentait: «Cette «bonne histoire», c’est aussi la Suisse dans toute sa splendeur, où ça grenouille sous le tapis.» Et que d’embrouilles. À l’Arsenic, deux «vraies» actrices embarquent le public pour aller voir derrière les apparences ou plutôt derrière le rideau du théâtre de marionnettes posé sur scène. Elles passent d’un personnage à l’autre, tantôt du côté des espionnes, tantôt du côté des infiltrées.
Comme Lisbeth Salander
Engagée par Securitas, Sara Meylan qui a été comparée à l’héroïne de «Millénium», Lisbeth Salander, a établi des rapports détaillés sur la section vaudoise d’Attac destinés à Nestlé. Révélé par une émission de «Temps présent» en juin 2008, le scandale a passablement agité les sphères politique et judiciaire vaudoises, suisses et même internationales.
La procédure pénale engagée par Attac contre Nestlé et Securitas avait débouché sur deux non-lieux, prononcés par Jacques Antenen, juge d’instruction cantonal vaudois. Aujourd’hui commandant de la police cantonale vaudoise, ce bientôt retraité n’avait pas jugé bon de condamner pénalement le commanditaire de l’espionnage. Plus tard, un tribunal civil fera néanmoins payer quelques dommages et intérêts.
Entre illusions et réalité
D’abord vêtues pour le prologue de combinaisons roses rappelant à la fois des tenues de prisonnières ou, par la coupe, les uniformes de Securitas, les deux comédiennes reviennent aux vêtements ordinaires. Elles reproduisent alors fidèlement les paroles, silences et les soupirs récoltés des protagonistes. Un procédé troublant et particulièrement intéressant pour confronter le «Neslé-Gate» entre illusions et réalité.
Lausanne, Théâtre de l’Arsenic
sa 7 (complet) et di 8 mai, 19h30
www.arsenic.ch
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