Conjoncture de crise sanitaireUne PME vaudoise se lance dans les masques de qualité suisse
Active en tant que sous-traitante dans le secteur de l’horlogerie, la société Léon Jaccard profite de la pandémie pour élargir son activité.

Les pieds dans la neige du Jura vaudois, l’entreprise familiale Léon Jaccard s’est offert une reconversion inattendue au cours de la crise pandémique. Depuis 1926, les machines de cette PME de L’Auberson s’activent surtout à réaliser de petites pièces métalliques pour le monde de l’horlogerie, le secteur médical ou encore l’électronique. Mais c’est vers la fabrication de masques médicaux que se sont tournés les dirigeants de l’entreprise. Et pas n’importe comment car ils ont, dès le départ, joué la carte de la qualité du «Swiss made». Elle a déjà séduit deux hôpitaux.
Les odeurs d’huile, un produit nécessaire à l’usinage des pièces de métal, émanent de l’atelier traditionnel. En visitant la petite fabrique, qui siège discrètement au centre du village, on imagine mal que cette activité puisse s’accorder avec la réalisation de masques médicaux. Et pourtant, au prix d’un investissement important, une partie des locaux a été parfaitement isolée pour produire les masques qui manquaient tant au printemps dernier.
Des boîtes à musique
«L’entreprise a été créée par un artisan du village, qui travaillait pour la fabrication de boîte à musiques», rappelle Patrick Vouillot, patron de Léon Jaccard SA. Après y avoir été employé, ce dernier a fini par racheter l’affaire et a entrepris de moderniser cet atelier. Les machines à commandes numériques ont remplacé un matériel ancien. Et s’il subsiste une ou deux machines datant des années 50, l’entreprise s’est tournée vers la sous-traitance pour des secteurs de pointe. Mais la pandémie a nettement freiné son activité, en début d’année, avec une perte estimée à 30% sur l’année 2020.
«On n’y connaissait rien, ni aux matières, ni aux machines nécessaires, ni aux procédures de qualité.»
La pénurie de masques, à la fin de l’hiver dernier, a guidé le patron et son neveu Sébastien Vouillot vers ce produit tant recherché. «On n’y connaissait rien, ni aux matières, ni aux machines nécessaires, ni aux procédures de qualité», dit ce dernier. Reste que pour les deux Vouillot, il semblait clair dès le départ que leur production devait s’aligner sur des hauts standards de qualité.
C’est un bureau de conseil de la vallée de Joux qui les a accompagnés dans une démarche complexe. Patron de GMB Services, Bertrand Gabry se décrit comme un spécialiste des homologations: «Il y en a très peu qui ont franchi ce pas en voulant vraiment suivre les directives s’appliquant au matériel médical. Et tous les fabricants de masques ne le font pas, comme l’a révélé l’enquête de l’émission «À bon entendeur», sur la RTS.»
Huit mois de préparatifs
Il aura tout de même fallu près de huit mois pour mettre en place une production qui a commencé le 15 novembre. «C’est vraiment autre chose que d’acheter un container de masques chinois pour les revendre en Suisse, soulignent les deux entrepreneurs de L’Auberson. Il a fallu trouver une machine, dénichée en France, mais aussi le tissu de polypropylène, qui n’est pas fait en Suisse.» Et puis il y a tout le travail de certification…
Mais le produit final est à la mesure de leurs ambitions. «Notre masque filtre plus que 99,9% des bactéries», vante Sébastien Vouillot, non sans tirer fermement sur les élastiques afin de démontrer la résistance de son produit. On sent une certaine fierté des deux entrepreneurs, qui se sont lancé ce pari d’élargir leur activité en pleine crise quand d’autres se contentaient d’en faire le commerce.
Dans la pièce spécialement aménagée pour respecter des conditions sanitaires strictes, la machine toute neuve débite quelque 95 masques à la minute, à partir de rouleaux de tissu synthétique. Une caméra juge, en bout de chaîne, de la qualité du produit. Une qualité qui a déjà convaincu les hôpitaux de Sainte-Croix et de La Côte. Reste que cette dernière a un prix. Alors que certains masques se négocient pour quelques centimes la pièce, sur le marché mondial, l’entreprise de L’Auberson a calculé un prix entre 20 et 25 centimes la pièce pour la vente en gros. Mais la PME vaudoise croit fermement à son masque, dont elle espère produire un million de pièces par mois. En deux semaines, elle a déjà atteint la moitié de ce chiffre.
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