«La transparence distingue une démocratie d'un régime autoritaire»
Professeure à la Faculté de droit, des sciences criminelles et d'administration publique de l'Université de Lausanne, Sandrine Baume est une experte de la transparence en politique. Elle suit avec intérêt l'affaire Broulis depuis ses débuts.

De quoi l'affaire Broulis témoigne-t-elle, selon vous?
Sans me prononcer sur le fond de l'affaire, j'observe que le débat public qui l'entoure pose une question générale d'importance: jusqu'où les acteurs politiques doivent-ils rendre des comptes?
Cela concerne-t-il leurs fonctions politiques ou également des aspects liés à leur vie non professionnelle? Jusqu'où leur exemplarité doit-elle s'affirmer?
Justement. La population suisse est-elle plus exigeante vis-à-vis de ses autorités? Il n'y a pas d'étude qui permet de l'affirmer, mais on peut formuler l'hypothèse qu'en effet, on demande davantage de transparence de la part des élus, en lien peut-être avec une plus grande méfiance à leur égard. Les gouvernants doivent dans tous les cas s'aligner sur la sensibilité des citoyens et tenir compte de l'attention médiatique.
En quoi ce devoir de transparence est-il sain?
L'exigence, pour les élus, de rendre des comptes aux citoyens distingue une démocratie d'un régime autoritaire. La surveillance qui s'exerce sur les autorités est une contrepartie nécessaire au pouvoir qui leur est délégué. Et rendre des comptes ne peut se faire sans une certaine transparence dans les affaires publiques. Un lien étroit s'établit donc entre démocratie, surveillance des acteurs politiques et transparence.
Est-ce l'opinion publique qui influe sur l'activité des médias ou l'inverse?
Les deux mécanismes jouent. Premièrement, le journalisme, notamment d'investigation, permet d'informer le public, par exemple en révélant des affaires. Mais pour que la transparence soit un outil de surveillance efficace des acteurs politiques, il faut que l'information soit de qualité, que des faits soient établis. La qualité de l'information est ici centrale! À défaut, on risque de flétrir une réputation de manière dommageable et injuste. Deuxièmement, les médias, dans leur traitement spécifique de l'information, peuvent aussi se faire l'écho de l'opinion publique telle qu'ils la perçoivent, de sa sensibilité évolutive sur la question de l'exemplarité.
La Suisse ne reste-t-elle pas très indulgente avec ses élus, en comparaison avec d'autres pays?
En matière de transparence dans les affaires publiques, la Suisse n'est pas particulièrement pionnière, sans être pour autant indigente. Le manque de transparence dans le financement des partis politiques a été plusieurs fois épinglé, notamment par le GRECO (ndlr: groupe d'États contre la corruption). Les «affaires» peuvent aussi faire bouger les lignes. En France, l'affaire Cahuzac l'illustre bien: elle est à l'origine de l'adoption d'une loi sur la transparence de la vie publique. Or, jusqu'à présent, la Suisse n'a pas un terreau idéal pour la «scandalologie»: historiquement, il y a eu relativement peu de scandales qui ont éclaté dans les journaux, ce qui ne veut pas forcément dire qu'il n'y en avait aucun à révéler.
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